Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/192

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Rentrant dans ses États suivi de la vengeance ;
Son nom seul a partout répandu la terreur,
Et les Juifs en silence ont pleuré leur erreur.

SALOME.

Mazaël, il est vrai qu'Hérode va paraître ;
Et ces peuples et moi nous aurons tous un maître.
Ce pouvoir, dont à peine on me voyait jouir,
N'est qu'une ombre qui passe et va s'évanouir.
Mon frère m'était cher, et son bonheur m'opprime ;
Mariamne triomphe, et je suis sa victime.

MAZAEL.

Ne craignez point un frère.

SALOME.

Eh ! que deviendrons-nous
Quand la reine à ses pieds reverra son époux ?
De mon autorité cette fière rivale
Auprès d'un roi séduit nous fut toujours fatale ;
Son esprit orgueilleux, qui n'a jamais plié,
Conserve encor pour nous la même inimitié.
Elle nous outragea, je l'ai trop offensée ;
À notre abaissement elle est intéressée.
Eh ! ne craignez-vous plus ces charmes tout-puissants,
Du malheureux Hérode impérieux tyrans ?
Depuis près de cinq ans qu'un fatal hyménée
D'Hérode et de la reine unit la destinée,
L'amour prodigieux dont ce prince est épris
Se nourrit par la haine et croît par le mépris.
Vous avez vu cent fois ce monarque inflexible
Déposer à ses pieds sa majesté terrible,
Et chercher dans ses yeux irrités ou distraits
Quelques regards plus doux qu'il ne trouvait jamais.
Vous l'avez vu frémir, soupirer et se plaindre ;
La flatter, l'irriter, la menacer, la craindre ;
Cruel dans son amour, soumis dans ses fureurs ;
Esclave en son palais, héros partout ailleurs.
Que dis-je ? en punissant une ingrate famille,
Fumant du sang du père, il adorait la fille :
Le fer encor sanglant, et que vous excitiez,
Était levé sur elle, et tombait à ses pieds.

MAZAEL.

Mais songez que dans Rome, éloigné de sa vue,
Sa chaîne de si loin semble s'être rompue.