Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/194

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SALOME.

Vous n'avez pas mes yeux !
Sur mon malheur nouveau je suis trop éclairée :
De ce trompeur hymen la pompe différée,
Les froideurs de Sohême et ses discours glacés,
M'ont expliqué ma honte et m'ont instruite assez.

MAZAEL.

Vous pensez en effet qu'une femme sévère
Qui pleure encore ici son aïeul et son frère,
Et dont l'esprit hautain, qu'aigrissent ses malheurs,
Se nourrit d'amertume et vit dans les douleurs,
Recherche imprudemment le funeste avantage
D'enlever un amant qui sous vos lois s'engage !
L'amour est-il connu de son superbe coeur ?

SALOME.

Elle l'inspire au moins, et c'est là mon malheur.

MAZAEL.

Ne vous trompez-vous point ? cette âme impérieuse,
Par excès de fierté semble être vertueuse :
À vivre sans reproche elle a mis son orgueil.

SALOME.

Cet orgueil si vanté trouve enfin son écueil.
Que m'importe, après tout, que son âme hardie
De mon parjure amant flatte la perfidie ;
Ou qu'exerçant sur lui son dédaigneux pouvoir,
Elle ait fait mes tourments sans même le vouloir ?
Qu'elle chérisse ou non le bien qu'elle m'enlève,
Je le perds, il suffit ; sa fierté s'en élève ;
Ma honte fait sa gloire ; elle a dans mes douleurs
120 Le plaisir insultant de jouir de mes pleurs.
Enfin, c'est trop languir dans cette indigne gêne :
Je veux voir à quel point on mérite ma haine.
Sohême vient : allez, mon sort va s'éclaircir.



Scène II.

Salome, Sohême[1], Ammon.
SALOME.

Approchez ; votre coeur n'est point né pour trahir,

  1. A propos de ce Sohême : « Nous verrez, écrit Voltaire à d’Argental on 1762, une espèce de janséniste, essénien de son métier, que j’ai substitué à Varuss. Ce Varus m’avait paru prodigieusement fade. »