Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/208

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Ni que dans mes périls il ne fallût jamais
Rougir de vos bontés et craindre vos bienfaits.
Ne pensez pas pourtant qu'un discours qui m'offense
Vous ait rien dérobé de ma reconnaissance :
Tout espoir m'est ravi, je ne vous verrai plus ;
J'oublierai votre flamme et non pas vos vertus.
Je ne veux voir en vous qu'un héros magnanime
Qui jusqu'à ce moment mérita mon estime :
Un plus long entretien pourrait vous en priver,
Seigneur, et je vous fuis pour vous la conserver.

SOHÊME.

Arrêtez, et sachez que je l'ai méritée.
Quand votre gloire parle, elle est seule écoutée :
À cette gloire, à vous, soigneux de m'immoler,
Épris de vos vertus, je les sais égaler.
Je ne fuyais que vous, je veux vous fuir encore.
Je quittais pour jamais une cour que j'abhorre ;
J'y reste, s'il le faut, pour vous désabuser,
Pour vous respecter plus, pour ne plus m'exposer
Au reproche accablant que m'a fait votre bouche.
Votre intérêt, madame, est le seul qui me touche ;
J'y sacrifierai tout. Mes amis, mes soldats,
Vous conduiront aux bords où s'adressent vos pas.
J'ai dans ces murs encore un reste de puissance :
D'un tyran soupçonneux je crains peu la vengeance ;
Et s'il me faut périr des mains de votre époux,
Je périrai du moins en combattant pour vous.
Dans mes derniers moments je vous aurai servie,
Et j'aurai préféré votre honneur à ma vie.

MARIAMNE.

Il suffit, je vous crois : d'indignes passions
Ne doivent point souiller les nobles actions.
Oui, je vous devrai tout ; mais moi, je vous expose ;
Vous courez à la mort, et j'en serai la cause.
Comment puis-je vous suivre, et comment demeurer ?
Je n'ai de sentiment que pour vous admirer.

SOHÊME.

Venez prendre conseil de votre mère en larmes,
De votre fermeté plus que de ses alarmes,
Du péril qui vous presse, et non de mon danger.
Avec votre tyran rien n'est à ménager :
Il est roi, je le sais ; mais César est son juge.