Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/218

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SALOME.

Moi, seigneur, je n'ai point de plaintes à vous faire.
Vous croyez mon exil et juste et nécessaire ;
À vos moindres désirs instruite à consentir,
Lorsque vous commandez je ne sais qu'obéir.
Vous ne me verrez point, sensible à mon injure,
Attester devant vous le sang et la nature ;
Sa voix trop rarement se fait entendre aux rois,
Et, près des passions, le sang n'a point de droits.
Je ne vous vante plus cette amitié sincère,
Dont le zèle aujourd'hui commence à vous déplaire,
Je rappelle encor moins mes services passés ;
Je vois trop qu'un regard les a tous effacés :
Mais avez-vous pensé que Mariamne oublie
Cet ordre d'un époux donné contre sa vie ?
Vous, qu'elle craint toujours, ne la craignez-vous plus ?
Ses voeux, ses sentiments, vous sont-ils inconnus ?
Qui préviendra jamais, par des avis utiles,
De son coeur outragé les vengeances faciles ?
Quels yeux intéressés à veiller sur vos jours
Pourront de ses complots démêler les détours ?
Son courroux aura-t-il quelque frein qui l'arrête ?
Et pensez-vous enfin que, lorsque votre tête
Sera par vos soins même exposée à ses coups,
L'amour qui vous séduit lui parlera pour vous ?
Quoi donc ! tant de mépris, cette horreur inhumaine...

HÉRODE.

Ah ! laissez-moi douter un moment de sa haine !
Laissez-moi me flatter de regagner son coeur ;
Ne me détrompez point, respectez mon erreur.
Je veux croire et je crois que votre haine altière
Entre la reine et moi mettait une barrière ;
Que par vos cruautés son coeur s'est endurci ;
Et que sans vous enfin j'eusse été moins haï.

SALOME.

Si vous pouviez savoir, si vous pouviez comprendre
À quel point...

HÉRODE.

Non, ma soeur, je ne veux rien entendre.
Mariamne à son gré peut menacer mes jours,
Ils me sont odieux ; qu'elle en tranche le cours,
Je périrai du moins d'une main qui m'est chère.