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ACTE IV


Scène I.

Salome, Mazael.
MAZAEL.

Quoi ! lorsque sans retour Mariamne est perdue,
Quand la faveur d'Hérode à vos voeux est rendue,
Dans ces sombres chagrins qui peut donc vous plonger ?
Madame, en se vengeant, le roi va vous venger :
Sa fureur est au comble, et moi-même je n'ose
Regarder sans effroi les malheurs que je cause.
Vous avez vu tantôt ce spectacle inhumain ;
Ces esclaves tremblants égorgés de sa main ;
Près de leurs corps sanglants la reine évanouie ;
Le roi, le bras levé, prêt à trancher sa vie ;
Ses fils baignés de pleurs, embrassant ses genoux,
Et présentant leur tête au-devant de ses coups.
Que vouliez-vous de plus ? que craignez-vous encore ?

SALOME.

Je crains le roi ; je crains ces charmes qu'il adore,
Ce bras prompt à punir, prompt à se désarmer,
Cette colère enfin facile à s'enflammer,
Mais qui, toujours douteuse et toujours aveuglée,
En ses transports soudains s'est peut-être exhalée.
Quel fruit me revient-il de ses emportements ?
Sohême a-t-il pour moi de plus doux sentiments ?
Il me hait encor plus ; et mon malheureux frère,
Forcé de se venger d'une épouse adultère,
Semble me reprocher sa honte et son malheur.
Il voudrait pardonner ; dans le fond de son coeur
Il gémit en secret de perdre ce qu'il aime ;
Il voudrait, s'il se peut, ne punir que moi-même :
Mon funeste triomphe est encore incertain.
J'ai deux fois en un jour vu changer mon destin ;
Deux fois j'ai vu l'amour succéder à la haine ;
Et nous sommes perdus s'il voit encor la reine.