Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/227

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HÉRODE.

Ah ! la mienne à la vôtre est pour jamais unie.
C'en est fait, je me rends : bannissez votre effroi,
Puisque vous m'avez vu, vous triomphez de moi.
Vous n'avez plus besoin d'excuse et de défense ;
Ma tendresse pour vous vous tient lieu d'innocence.
En est-ce assez, ô ciel ! en est-ce assez, amour ?
C'est moi qui vous implore et qui tremble à mon tour.
Serez-vous aujourd'hui la seule inexorable ?
Quand j'ai tout pardonné, serai-je encor coupable ?
Mariamne, cessons de nous persécuter :
Nos coeurs ne sont-ils faits que pour se détester ?
Nous faudra-t-il toujours redouter l'un et l'autre ?
Finissons à la fois ma douleur et la vôtre.
Commençons sur nous-même à régner en ce jour ;
Rendez-moi votre main, rendez-moi votre amour.

MARIAMNE.

Vous demandez ma main ! Juste ciel que j'implore,
Vous savez de quel sang la sienne fume encore !

HÉRODE.

Eh bien ! j'ai fait périr et ton père et mon roi ;
J'ai répandu son sang pour régner avec toi ;
Ta haine en est le prix, ta haine est légitime :
Je n'en murmure point, je connais tout mon crime.
Que dis-je ? son trépas, l'affront fait à tes fils,
Sont les moindres forfaits que mon coeur ait commis.
Hérode a jusqu'à toi porté sa barbarie ;
Durant quelques moments je t'ai même haïe :
J'ai fait plus, ma fureur a pu te soupçonner ;
Et l'effort des vertus est de me pardonner.
D'un trait si généreux ton coeur seul est capable ;
Plus Hérode à tes yeux doit paraître coupable,
Plus ta grandeur éclate à respecter en moi
Ces noeuds infortunés qui m'unissent à toi.
Tu vois où je m'emporte, et quelle est ma faiblesse ;
Garde-toi d'abuser du trouble qui me presse.
Cher et cruel objet d'amour et de fureur,
Si du moins la pitié peut entrer dans ton coeur,
Calme l'affreux désordre où mon âme s'égare.
Tu détournes les yeux... Mariamne...

MARIAMNE.

Ah ! Barbare !