Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/226

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Respectez Mariamne, et même son époux.

HÉRODE.

Perfide ! il vous sied bien de prononcer encore
Ce nom qui vous condamne et qui me déshonore !
Vos coupables dédains vous accusent assez,
Et je crois tout de vous, si vous me haïssez.

MARIAMNE.

Quand vous me condamnez, quand ma mort est certaine,
Que vous importe, hélas ! ma tendresse ou ma haine ?
Et quel droit désormais avez-vous sur mon coeur,
Vous qui l'avez rempli d'amertume et d'horreur ;
Vous qui, depuis cinq ans, insultez à mes larmes,
Qui marquez sans pitié mes jours par mes alarmes,
Vous, de tous mes parents destructeur odieux ;
Vous, teint du sang d'un père expirant à mes yeux ?
Cruel ! ah ! si du moins votre fureur jalouse
N'eût jamais attenté qu'aux jours de votre épouse,
Les cieux me sont témoins que mon coeur tout à vous
Vous chérirait encore en mourant par vos coups.
Mais qu'au moins mon trépas calme votre furie ;
N'étendez point mes maux au delà de ma vie :
Prenez soin de mes fils, respectez votre sang ;
Ne les punissez pas d'être nés dans mon flanc ;
Hérode, ayez pour eux des entrailles de père :
Peut-être un jour, hélas ! vous connaîtrez leur mère ;
Vous plaindrez, mais trop tard, ce coeur infortuné
Que seul dans l'univers vous avez soupçonné ;
Ce coeur qui n'a point su, trop superbe peut-être,
Déguiser ses douleurs et ménager un maître,
Mais qui jusqu'au tombeau conserva sa vertu,
Et qui vous eût aimé si vous l'aviez voulu.

HÉRODE.

Qu'ai-je entendu ? quel charme et quel pouvoir suprême
Commande à ma colère et m'arrache à moi-même ?
Mariamne...

MARIAMNE.

Cruel !...

HÉRODE.

Ô faiblesse ! ô fureur !

MARIAMNE.

De l'état où je suis voyez du moins l'horreur.
Otez-moi par pitié cette odieuse vie.