Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/348

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328 BRUTUS.

Je sais tout ce qu’on doit à ses vaillantes mains ;

Je sais qu’à votre exemple il sauva les romains :

Mais ce n’est point assez ; Rome, assiégée encore,

Voit dans les champs voisins ces tyrans qu’elle abhorre.

Que Tarquin satisfasse aux ordres du sénat ;

Exilé par nos lois, qu’il sorte de l’État ;

De son coupable aspect qu’il purge nos frontières.

Et nous pourrons ensuite écouter ses prières.

Ce nom d’ambassadeur a paru vous frapper ;

Tarquin n’a pu nous vaincre, il cherche à nous tromper.

L’ambassadeur d’un roi m’est tonjours redoutable ;

Ce n’est qu’un ennemi, sous un titre honorable.

Qui vient, l’empli d’orgueil ou de dextérité,

Insulter ou trahir avec inpunité.

Rome, n’écoute point leur séduisant langage :

Tout art t’est étranger ; combattre est ton partage :

Confonds tes ennemis de ta gloire irrités ;

Tombe, ou punis les rois : ce sont là tes traités.

BRUTUS.

Rome sait à quel point sa liberté m’est chère : Mais, plein du même esprit, mon sentiment diffère. Je vois cette ambassade, au nom des souverains. Comme un premier hommage aux citoyens romains. Accoutumons des rois la fierté despotique A traiter en égale avec la république ; Attendant que, du ciel remplissant les décrets. Quelque jour avec elle ils traitent en sujets. Arons vient voir ici Rome encore chancelante, Découvrir les ressorts de sa grandeur naissante. Épier son génie, observer son pouvoir : Romains, c’est pour cela qu’il le faut recevoir. L’ennemi du sénat connaîtra qui nous sommes, Et l’esclave d’un roi va voir enfin des hommes. Que dans Rome à loisir il porte ses regards : Il la verra dans vous : vous êtes ses remparts. Qu’il révère en ces lieux le dieu qui nous rassemble ; Qu’il paraisse au sénat, qu’il écoute, et qu’il tremble,

(Les sénateurs se lèvent, et s’approchent un moment pour donner leurs voix.)

\. Voici un vers bien dur. M. G. Desnoiresterres le reproduit ainsi, d’après un recueil du temps : Toutartéstétrang—batrestonparta.