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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/403

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V.\|{IA\Ti : S l)i : liMUTUS. W.i

Honteuse de moi-même et de ma folle ardeur, Je chercliais à douter du crime de mon cœur. Avec toi renfermée, et fuyant tout le monde, Me livrant dans tes bras à ma douleur profonde. Hélas ! je me flattais de pleurer avec toi. Et la mort de mon frère, et les malheurs du roi. Ma douleur quelquefois me semblait vertueuse ; Je détournais les yeux de sa source honteuse ; Je me trompais ; pardonne, il faut tout avouer. Ces pleurs que tant de fois tu daignas essuyer. Que d’un frère au tombeau me demandait la cendre. L’amour les arracha, Titus les fit répandre. Je sens trop à son nom d’où partaient mes ennuis ; Je sens combien je l’aime, alors que je le fuis ; ( ; et ordre, cet hymen, ce départ qui me tue, jSrarrachent le bandeau qui me couvrait la vue ; Tu vois mon âme entière, et toutes ses erreurs.

ALGINE. !

Fuyez donc à jamais ces fiers usurpateurs ;

Pour le sang des Tarquins Rome est trop redoutable.

TL LLIE.

Hélas ! quand je l’aimai, je n’étais point coupable ;

C’est toi seule, c’est toi, qui, vantant ses vertus,

Me découvris mes feux à moi-même inconnus.

Je ne t’accuse point du malheur de ma vie ;

Mais lorsque dans ces Houx la paix me fut ravie,

Pourquoi démêlais-tu ce timide embarras

D’un cœur né pour aimer, qui ne le savait pas ?

Tu me peignais Titus, à la cour de mon père.

Entraînant tous les cœurs empressés à lui plaire ;

Digne du sang des rois, qui coule avec le sien ;

Digne du choix d’un père, et plus encor du mien.

Hélas ! en t’écoutant ma timide innocence

S’enivra du poison d’une vaine espérance.

Tout m’aveugla. Je crus découvrir dans ses yeux.

D’un feu qu’il me cachait l’aveu respectueux ;

J’étais jeune, j’aimais, je croyais être aimée.

Chère et fatale erreur qui m’avez trop charmée !

O douleur ! 6 revers plus affreux que la mort !

Rome et moi dans un jour ont vu changer leur sort.

Le fier Brutus arrive ; il parle, on se soulève ;

Sur le trône détruit la liberté s’élève ;

Mon palais tombe en cendre, et les rois sont proscrits.

Tarquin fuit ses sujets, ses dieux, et son pays ;

Il fuit, il m’abandonne, il me laisse en partage.

Dans ces lieux désolés, la honte, l’esclavage,

La haine qu’on lui porte ; et, pour dire encor plus,

Le poids humiliant des bienfaits de Drutus.

La guerre se déclare, et Rome est assiégée ;

Rome, tu succombais, j’allais être vengée ;

Titus, le seul Titus, arrête tes destins !

Je vois tes murs tremblants, soutenus par ses mains ;

Il combat, il triomphe ; ô mortelles alarmes !

Titus est en tout temps la source de mes larmes.