Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/420

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se touchant le front.) La pauvre toute est un peu blessée là… Mais parlons un peu raison, s’il vous plaît. Ne disiez-vous pas qu’en vous promenant près de ma maison vous aviez…

LE CHEVALIER.

Oui, monsieur, je vous disais que j’avais découvert un nouvel astre au-dessus de cette fenêtre, et qu’en le contemplant j’étais entré dans votre jardin.

LE PRÉSIDENT.

Un nouvel astre ! comment ! cela fera du bruit.

LE CHEVALIER.

Je voudrais bien pourtant que la chose fût secrète. Il brillait comme Vénus, et je crois qu’il a les plus douces influences du monde. Je le contemplais, j’ose dire, avec amour ; je ne pouvais en écarter mes yeux : j’ai même, puisqu’il faut vous le dire, été fâché quand vous avez paru.

LE PRÉSIDENT.

Vraiment, je le crois bien.

LE CHEVALIER.

Pardonnez, monsieur, à ce que je vous dis ; ne me regardez pas d’un aspect malin, et ne soyez pas en opposition avec moi : vous devez savoir l’empressement que j’avais de vous faire ma cour. Mais enfin, quand il s’agit d’un astre…

LE PRÉSIDENT.

Ah ! sans doute. Et où l’avez-vous vu ? Vous me faites palpiter le cœur.

LE CHEVALIER.

C’est l’état où je suis. Je l’ai vu, vous dis-je. Ah ! quel plaisir j’avais en le voyant ! quel aspect ! c’était tout juste ici ; mais cela est disparu dès que vous êtes venu dans le jardin.

LE PRÉSIDENT.

Ceci mérite attention : c’était sans doute quelque comète.

LE CHEVALIER.

Du moins elle avait une fort jolie chevelure.

LA PRÉSIDENTE, le tirant par le bras.

Mon pauvre jeune homme, ne vous arrêtez point aux visions cornues de mon mari. Venons au fait : peut-être votre mal presse.

LE CHEVALIER.

Oui, madame ; je me sentais tout en feu avant que vous parussiez.

LA PRÉSIDENTE, lui tâtant le pouls.

Voilà cependant un pouls bien tranquille.