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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/433

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LE PAGE, en s’en allant.

Ah ! le vilain bourgeois !

LE PRÉSIDENT.

Par Saturne, monsieur le comte, vous en usez bien indignement avec nous, et c’est un phénomène bien étrange que votre conduite. Vous nous méprisez, moi, ma femme et ma fille, comme si vous étiez une étoile de la première grandeur. Vous nous traitez en bourgeois. Parbleu ! quand vous seriez au zénith de la fortune, apprenez qu’il est d’un malhonnête homme de mépriser sa femme, et la famille dans laquelle on est entré. Corbleu ! je suis las de vos façons : nous ne sommes point faits pour habiter sous le même méridien. Je vous le dis, il faudra que nous nous séparions : et de par tout le zodiaque ! (car vous me faites jurer), dans quelles éphémérides a-t-on jamais lu qu’un gendre traite de haut en bas son beau-père le président et sa belle-mère la présidente, ne dîne jamais en famille, ne revienne au point du jour que pour coucher seul ? Parbleu ! si j’étais madame la comtesse, je vous ferais coucher avec moi, mon petit mignon, ou je vous dévisagerais.

LE COMTE.

Bonjour, président, bonjour,

LA PRÉSIDENTE.

N’est-ce pas une honte qu’on ne puisse vous guérir de cette maladie ? et que moi, qui ai guéri tout mon quartier, aie chez moi un gendre qui me désespère, et fait mourir sa femme des pâles couleurs ? Et où en seriez-vous, si M. le président en eût toujours usé ainsi avec moi ? vous n’auriez pas touché six cents sacs de mille livres que nous vous avons donnés en dot. Savez-vous bien que ma fille est l’élixir des femmes, et que vous ne la méritez pas pour épouse, ni moi pour belle-mère, ni M. le président pour beau-père, ni mon… ni mon… Allez, vous êtes un monstre.

LE COMTE.

Je suis charmé de vous voir et de vous entendre, ma chère présidente… Eh ! voilà, je crois, le chevalier du Hasard, dont on m’a tant parlé. Bonjour, mons du Hasard, bonjour : vraiment, je suis fort aise de vous voir.

LE CHEVALIER.

Il me semble que j’ai vu cet homme-là à Bayonne, dans mon enfance. Monsieur, je compte sur l’honneur de votre protection.

LE COMTE.

Comment trouvez-vous madame la comtesse, mons le chevalier ?