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LA COMTESSE.

Ciel ! que ne puis-je aimer quelque autre que vous !

LE COMTE.

On dit que vous soupâtes hier avec le chevalier du Hasard. Il est vraiment aimable : je veux que vous me le présentiez.

LA COMTESSE.

Quelles étranges idées ! vous ne pensez donc pas qu’une femme puisse aimer son mari ?

LE COMTE.

Oh ! pardonnez-moi : je pense qu’il y a des occasions où une femme aime son mari : quand il va à la campagne sans elle pour deux ou trois années, quand il se meurt, quand elle essaye son habit de veuve.

LA COMTESSE.

Voilà comme vous êtes ; vous croyez que toutes les femmes sont faites sur le modèle de celles avec qui vous vous ruinez ; vous pensez qu’il n’y en a point d’honnêtes.

LE COMTE.

D’honnêtes femmes ! mais si fait, si fait ; il y en a de fort honnêtes : elles trichent un peu au jeu, mais ce n’est qu’une bagatelle.

LA COMTESSE.

Voilà donc tous les sentiments que j’obtiendrai de vous ?

LE COMTE.

Croyez-moi, le président et la présidente ont beau faire, je ne veux pas vivre sitôt en bourgeois ; et puisque vous êtes madame la comtesse des Apprêts, je veux que vous souteniez votre dignité, et que vous n’ayez rien de commun avec votre mari que le nom, les armes, et les livrées. Vous ne savez pas votre monde ; vous vous imaginez qu’un mari et une femme sont faits pour vivre ensemble : quelle idée ! Holà ! hé ! là-bas ! quelqu’un ! holà ! hé ! messieurs de la chambre !


Scène IV.

LE PRÉSIDENT, LA PRÉSIDENTE, LE COMTE,
LA COMTESSE, LE CHEVALIER, UN PAGE.
LE PAGE.

Monseigneur, voici le président et la présidente.

LE PRÉSIDENT.

Nous pourriez bien dire : Monsieur le président, petit maroufle !