Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome2.djvu/439

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LE PAGE.

Tout cela est allé promener en famille. Mais, mon ami, on n’entre point ainsi dans cet appartement : dénichez.

M. DU CAP-VERT.

Petit mousse, je te ferai donner la cale.

LE COMTE, d’un ton nonchalant.

Qu’est-ce que c’est que ça ? mais qu’est-ce que c’est que ça ? Mes gens ! holà ! hé ! mes gens ! Mons de l’Étrier ! qu’on fasse un peu sortir cet homme-là de chez moi ; qu’on lui dise un peu qui je suis, où il est, et qu’on lui apprenne un peu à vivre.

M. DU CAP-VERT.

Comment ! qu’on me dise qui vous êtes ! et n’êtes-vous pas assez grand pour le dire vous-même, jeune muguet ? Qu’on me dise un peu où je suis ! je crois, ma foi, être dans la boutique d’un parfumeur : je suis empuanti d’odeur de fleur d’orange.

L’ÉTRIER.

Mons, mons, doucement : vous êtes ici chez un soigneur qui a bien voulu épouser la fille aînée du président Bodin.

M. DU CAP-VERT.

C’est bien de l’honneur pour lui : voilà un plaisant margajat ! Eh bien ! monsieur, puisque vous êtes le gendre de…

L’ÉTRIER.

Appelez-le monseigneur, s’il vous plaît,

M. DU CAP-VERT.

Lui : monseigneur ? je pense que vous êtes fou, mon drôle : j’aimerais autant appeler galion une chaloupe, ou donner le nom d’esturgeon à une sole. Écoutez, gendre du président, j’ai à vous avertir…

LE COMTE.

Arrêtez, arrêtez : l’ami, êtes-vous gentilhomme ?

M. DU CAP-VERT.

Non, ventrebleu ! je ne suis point gentilhomme ; je suis honnête homme, brave homme, bon homme.

LE COMTE, toujours d’un air important.

Eh bien donc, je ne prendrai pas la peine de vous faire sortir moi-même. Mons de l’Étrier, mes gens, faites un peu sortir monsieur.

M. DU CAP-VERT.

Par la sainte-barbe ! si votre chiourme branle, je vous coulerai tous à fond de cale, esclaves.

LE PAGE.

Oh ! quel ogre !