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LE COMTE.

Juste ciel ! est-ce un miracle ? est-ce un songe ?… j’avoue que j’ai cru jusqu’ici avoir quelque petit mérite ; mais je ne pensais pas en avoir à ce point-là.

FANCHON.

Écoutez bien : ce n’est pas parce que vous avez du mérite que l’on vous traite ainsi ; mais c’est afin que vous en ayez, si vous pouvez. Ah çà ! je vous ai parlé assez longtemps de vos affaires ; venons aux miennes : je vous rends, je crois, un assez joli service ; il faut me récompenser.

LE COMTE.

Parlez : le service est si récent qu’il n’y a pas moyen que je sois ingrat.

FANCHON.

Mon père a chaussé dans sa tête de me faire madame du Cap-Vert : on dresse actuellement le contrat, c’est-à-dire mon arrêt de mort. Jugez de l’état où je suis, puisque j’ai perdu toute ma gaieté : cependant je suis si bonne que j’ai pensé à vos affaires avant que de régler les miennes. Le moment fatal arrive, la tête commence à me tourner ; je ne sais plus que devenir.

LE COMTE, d’un air important.

Eh bien ! que voulez-vous que je fasse ?

FANCHON.

Je n’en sais rien ; mais que je ne sois pas madame du Cap-Vert.

LE COMTE.

Ma fille, il faudra voir cette affaire-là. On lavera la tête au président. Je lui parlerai, je lui parlerai, et du bon ton : oui, fiez-vous à moi. Mais quand viendra la fée aux diamants et à l’argent comptant ?

FANCHON.

Elle a plus d’envie de vous voir que vous n’en avez de la remercier : elle viendra bientôt, je vous jure. Vous savez que l’on court après son argent ; mais ceux qui l’ont reçu sont d’ordinaire fort tranquilles. Adieu ; je vais chercher une femme qui vous aime : servez-moi seulement contre un homme que je n’aime point.


Scène III.

LE COMTE, L’ÉTRIER
LE COMTE.

Mons de l’Étrier, il arrive d’étranges choses dans la vie.