Et je vais donc apprendre à Lusignan trahi !
Qu’un Tartare est le Dieu que sa fille a choisi !
Dans ce moment affreux, hélas ! ton père expire,
En demandant à Dieu le salut de Zaïre.
Arrête, mon cher frère… arrête, connais-moi ;
Peut-être que Zaïre est digne encor de toi.
Mon frère, épargne-moi cet horrible langage ;
Ton courroux, ton reproche est un plus grand outrage,
Plus sensible pour moi, plus dur que ce trépas
Que je te demandais, et que je n’obtiens pas.
L’état où tu me vois accable ton courage ;
Tu souffres, je le vois ; je souffre davantage.
Je voudrais que du ciel le barbare secours
De mon sang, dans mon cœur, eût arrêté le cours.
Le jour qu’empoisonné d’une flamme profane.
Ce pur sang des chrétiens brûla pour Orosmane,
Le jour que de ta sœur Orosmane charmé…
Pardonnez-moi, chrétiens ; qui ne l’aurait aimé !
Il faisait tout pour moi ; son cœur m’avait choisie ;
Je voyais sa fierté pour moi seule adoucie.
C’est lui qui des chrétiens a ranimé l’espoir ;
C’est à lui que je dois le bonheur de te voir :
Pardonne ; ton courroux, mon père, ma tendresse.
Mes serments, mon devoir, mes remords, ma faiblesse,
Me servent de supplice, et ta sœur en ce jour
Meurt de son repentir plus que de son amour.
Je te blâme, et te plains ; crois-moi, la Providence
Ne te laissera point périr sans innocence :
Je te pardonne, hélas ! ces combats odieux ;
Dieu ne t’a point prêté son bras victorieux.
Ce bras, qui rend la force aux plus faibles courages,
Soutiendra ce roseau plié par les orages.
Il ne souffrira pas qu’à son culte engagé,
Entre un barbare et lui ton cœur soit partagé.
Le baptême éteindra ces feux dont il soupire,
Et tu vivras fidèle, ou périras martyre.
Achève donc ici ton serment commencé :
Achève, et dans l’horreur dont ton cœur est pressé,
Promets au roi Louis, à l’Europe, à ton père,
Au Dieu qui déjà parle à ce cœur si sincère.