Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
ORACLES.

amitié avec lui, le flatta dans sa passion, et lui persuada que c’était une œuvre très-agréable à Dieu de faire valoir son argent : que cela même était expressément recommandé dans l’Évangile, puisque le serviteur négligent, qui n’a pas fait valoir l’argent de son maître à cinq cents pour cent, est jeté dans les ténèbres extérieures.

Dans les conversations que l’ermite avait avec Jacovello, il l’entretint souvent des beaux discours tenus par plusieurs crucifix, et par une quantité de bonnes vierges d’Italie. Jacovello convenait que les statues des saints parlaient quelquefois aux hommes, et lui disait qu’il se croirait prédestiné si jamais il pouvait entendre parler l’image d’un saint.

Le bon Pasquale lui répondit qu’il espérait lui donner cette satisfaction dans peu de temps ; qu’il attendait incessamment de Rome une tête de mort, dont le pape avait fait présent à un ermite son confrère ; que cette tête parlait comme les arbres de Dodone, et comme l’ânesse de Balaam. Il lui montra en effet la tête quatre jours après. Il demanda à Jacovello la clef d’une petite cave et d’une chambre au-dessus, afin que personne ne fût témoin du mystère. L’ermite Pasquale ayant fait passer un tuyau qui entrait dans la tête, et ayant tout disposé, se mit en prières avec son ami Jacovello : la tête alors parla en ces mots : « Jacovello, Dieu veut récompenser ton zèle. Je t’avertis qu’il y a un trésor de cent mille écus sous un if à l’entrée de ton jardin. Tu mourras de mort subite si tu cherches ce trésor avant d’avoir mis devant moi une marmite remplie de dix marcs d’or en espèces. »

Jacovello courut vite à son coffre, et apporta devant l’oracle sa marmite et ses dix marcs. Le bon ermite avait eu la précaution de se munir d’une marmite semblable qu’il remplit de sable. Il la substitua prudemment à la marmite de Jacovello quand celui-ci eut le dos tourné, et laissa le bon Jacovello avec une tête de mort de plus, et dix marcs d’or de moins.

C’est à peu près ainsi que se rendaient tous les oracles, à commencer par celui de Jupiter-Ammon, et à finir par celui de Trophonius.

Un des secrets des prêtres de l’antiquité, comme des nôtres, était la confession dans les mystères. C’était là qu’ils apprenaient toutes les affaires des familles, et qu’ils se mettaient en état de répondre à la plupart de ceux qui venaient les interroger. C’est à quoi se rapporte ce grand mot que Plutarque a rendu célèbre. Un prêtre voulant confesser un initié, celui-ci lui demanda :