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ORACLES.

« À qui me confesserai-je ? est-ce à toi ou à Dieu ? — C’est à Dieu, reprit le prêtre. — Sors donc d’ici, homme ; et laisse-moi avec Dieu. »

Je ne finirais point si je rapportais toutes les choses intéressantes dont Van Dale a enrichi son livre. Fontenelle[1] ne le traduisit pas ; mais il en tira ce qu’il crut de plus convenable à sa nation, qui aime mieux les agréments que la science. Il se fit lire par ceux qu’on appelait en France la bonne compagnie ; et Van Dale, qui avait écrit en latin et en grec, n’avait été lu que par des savants. Le diamant brut de Van Dale brilla beaucoup quand il fut taillé par Fontenelle ; le succès fut si grand que les fanatiques furent en alarmes, Fontenelle avait eu beau adoucir les expressions de Van Dale, et s’expliquer quelquefois en Normand, il ne fut que trop entendu par les moines, qui n’aiment pas qu’on leur dise que leurs confrères ont été des fripons.

Un nommé Baltus, jésuite, né dans le pays Messin, l’un de ces savants qui savent consulter de vieux livres, les falsifier, et les citer mal à propos, prit le parti du diable contre Van Dale et Fontenelle. Le diable ne pouvait choisir un avocat plus ennuyeux : son nom n’est aujourd’hui connu que par l’honneur qu’il eut d’écrire contre deux hommes célèbres qui avaient raison.

Baltus, en qualité de jésuite, cabala auprès de ses confrères, qui étaient alors autant élevés en crédit qu’ils sont depuis tombés dans l’opprobre. Les jansénistes, de leur côté, plus énergumènes que les jésuites, crièrent encore plus haut qu’eux. Enfin tous les fanatiques furent persuadés que la religion chrétienne était perdue si le diable n’était conservé dans ses droits.

Peu à peu les livres des jansénistes et des jésuites sont tombés dans l’oubli. Le livre de Van Dale est resté pour les savants, et celui de Fontenelle pour les gens d’esprit.

À l’égard du diable, il est comme les jésuites et les jansénistes, il perd son crédit de plus en plus.

SECTION II.

Quelques histoires surprenantes d’oracles, qu’on croyait ne pouvoir attribuer qu’à des génies, ont fait penser aux chrétiens qu’ils étaient rendus par les démons, et qu’ils avaient cessé à la venue de Jésus-Christ : on se dispensait par là d’entrer dans la discussion des faits, qui eût été longue et difficile ; et il semblait

  1. Dans son Histoire des oracles.