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ORACLES.

sément à la venue de Jésus-Christ. Voici d’ailleurs plusieurs preuves que les oracles ont duré plus de quatre cents ans après Jésus-Christ, et qu’ils ne sont devenus tout à fait muets que lors de l’entière destruction du paganisme.

Suétone, dans la Vie de Néron, dit que l’oracle de Delphes l’avertit qu’il se donnât de garde des soixante et treize ans ; que Néron crut qu’il ne devait mourir qu’à cet âge-là, et ne songea point au vieux Galba, qui, étant âgé de soixante et treize ans, lui ôta l’empire.

Philostrate, dans la Vie d’Apollonius de Tyane qui a vu Domitien, nous apprend qu’Apollonius visita tous les oracles de la Grèce, et celui de Dodone, et celui de Delphes, et celui d’Amphiaraüs.

Plutarque, qui vivait sous Trajan, nous dit que l’oracle de Delphes était encore sur pied, quoique réduit à une seule prêtresse après en avoir eu deux ou trois.

Sous Adrien, Dion Chrysostome raconte qu’il consulta l’oracle de Delphes ; et il en rapporta une réponse qui lui parut assez embarrassée, et qui l’est effectivement.

Sous les Antonins, Lucien assure qu’un prêtre de Tyane alla demander à ce faux prophète Alexandre si les oracles qui se rendaient alors à Didyme, à Claros, et à Delphes, étaient véritablement des réponses d’Apollon, ou des impostures. Alexandre eut des égards pour ces oracles qui étaient de la nature du sien, et répondit au prêtre qu’il n’était pas permis de savoir cela. Mais quand cet habile prêtre demanda ce qu’il serait après sa mort, on lui répondit hardiment : » Tu seras chameau, puis cheval, puis philosophe, puis prophète aussi grand qu’Alexandre. »

Après les Antonins, trois empereurs se disputèrent l’empire. On consulta Delphes, dit Spartien, pour savoir lequel des trois la république devait souhaiter. Et l’oracle répondit en un vers : « Le noir est le meilleur ; l’Africain est le bon ; le blanc est le pire. » Par le noir on entendait Pescennius Niger ; par l’Africain, Severus Septimus, qui était d’Afrique ; et par le blanc, Claudius Albinus.

Dion, qui ne finit son Histoire qu’à la huitième année d’Alexandre Sévère, c’est-à-dire l’an 230, rapporte que de son temps Amphilochus rendait encore des oracles en songe. Il nous apprend aussi qu’il y avait dans la ville d’Apollonie un oracle où l’avenir se déclarait par la manière dont le feu prenait à l’encens qu’on jetait sur un autel.

Sous Aurélien, vers l’an 272, les Palmyréniens révoltés consultèrent un oracle d’Apollon sarpédonien en Cilicie ; ils consultèrent encore celui de Vénus aphacite.