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LOIS (ESPRIT DES).

« À Achem tout le monde cherche à se vendre. » (Ibid.) — Nous avons remarqué encore que rien n’est plus faux. Tous ces exemples pris au hasard chez les peuples d’Achem, de Bentam, de Ceylan, de Bornéo, des îles Moluques, des Philippines, tous copiés d’après des voyageurs très-mal instruits, et tous falsifiés, sans en excepter un seul, ne devaient pas assurément entrer dans un livre où l’on promet de nous développer les lois de l’Europe.

« Dans les États mahométans, on est non-seulement maître de la vie et des biens des femmes esclaves, mais encore de ce qu’on appelle leur vertu ou leur honneur. » (Liv. XV, chap. xii.) — Où a-t-il pris cette étrange assertion, qui est de la plus grande fausseté ? Le sura ou chap. xxiv de l’Alcoran, intitulé la Lumière, dit expressément : « Traitez bien vos esclaves, et si vous voyez en eux quelque mérite, partagez avec eux les richesses que Dieu vous a données. Ne forcez pas vos femmes esclaves à se prostituer à vous, etc. »

À Constantinople, on punit de mort le maître qui a tué son esclave, à moins qu’il ne soit prouvé que l’esclave a levé la main sur lui. Une femme esclave qui prouve que son maître l’a violée est déclarée libre avec des dédommagements.

« À Patane, la lubricité des femmes est si grande que les hommes sont obligés de se faire certaines garnitures pour se mettre à l’abri de leurs entreprises. » (Liv. XVI, chap. x.) — Peut-on rapporter sérieusement cette impertinente extravagance ? Quel est l’homme qui ne pourrait se défendre des assauts d’une femme débauchée sans s’armer d’un cadenas ? Quelle pitié ! et remarquez que le voyageur nommé Sprinkel, qui seul a fait ce conte absurde, dit en propres, mots que « les maris à Patane sont extrêmement jaloux de leurs femmes, et qu’ils ne permettent pas à leurs meilleurs amis de les voir, elles ni leurs filles ».

Quel esprit des lois, que de grands garçons qui cadenassent leurs hauts-de-chausses de peur que les femmes ne viennent y fouiller dans la rue !

« Les Carthaginois, au rapport de Diodore, trouvèrent tant d’or et d’argent dans les Pyrénées qu’ils en mirent aux ancres de leurs navires. » (Liv. XXI, chap. xi.) — L’auteur cite le sixième livre de Diodore, et ce sixième livre n’existe pas. Diodore, au cinquième, parle des Phéniciens, et non pas des Carthaginois.

« On n’a jamais remarqué de jalousie aux Romains sur le commerce. Ce fut comme nation rivale, et non comme nation commerçante, qu’ils attaquèrent Carthage. » (Liv. XXI, chap. xiv.) — Ce fut comme nation commerçante et guerrière, ainsi que le