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PARLEMENT DE FRANCE.

Une observation fort singulière est que l’érection de presque tous les parlements du royaume ne fut point présentée au parlement de Paris pour y être enregistrée et vérifiée.

Les traités de paix y furent quelquefois enregistrés : plus souvent on s’en dispensa. Rien n’a été stable et permanent, rien n’a été uniforme. L’on n’enregistra point le traité d’Utrecht, qui termina la funeste guerre de la succession d’Espagne ; on enregistra les édits qui établirent et qui supprimèrent les mouleurs de bois, les essayeurs de beurre, et les mesureurs de charbon.

REMONTRANCES DES PARLEMENTS.

Toute compagnie, tout citoyen a droit de porter ses plaintes au souverain par la loi naturelle qui permet de crier quand on souffre. Les premières remontrances du parlement de Paris furent adressées à Louis XI par l’exprès commandement de ce roi, qui, étant alors mécontent du pape, voulut que le parlement lui remontrât publiquement les excès de la cour de Rome. Il fut bien obéi ; le parlement était dans son centre ; il défendait les lois contre les rapines. Il montra que la cour romaine avait extorqué en trente années quatre millions six cent quarante-cinq mille écus de la France. Ces simonies multipliées, ces vols réels commis sous le nom de piété, commençaient à faire horreur. Mais la cour romaine ayant enfin apaisé et séduit Louis XI, il fit taire ceux qu’il avait fait si bien parler. Il n’y eut aucune remontrance sur les finances, du temps de Louis XI, ni de Charles VIII, ni de Louis XII : car il ne faut pas qualifier du nom de remontrances solennelles le refus que fit cette compagnie de prêter à Charles VIII cinquante mille francs pour sa malheureuse expédition d’Italie, en 1496. Le roi lui envoya le sire d’Albret, le sire de Rieux, gouverneur de Paris, le sire de Graville, amiral de France, et le cardinal du Maine, pour la prier de se cotiser pour lui prêter cet argent. Étrange députation ! Les registres portent que le parlement représenta « la nécessité et l’indigence du royaume, et le cas si piteux, quod non indiget manu scribentis ». Garder son argent n’était pas une de ces remontrances publiques au nom de la France.

Il en fit pour la grille d’argent de Saint-Martin, que François Ier acheta des chanoines, et dont il devait payer l’intérêt et le principal sur ses domaines. Voilà la première remontrance pour affaire pécuniaire.

Le seconde fut pour la vente de vingt charges de nouveaux