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PARLEMENT DE FRANCE.

conseillers au parlement de Paris, et de trente dans les provinces. Ce fut le cohancelier cardinal Duprat qui prostitua ainsi la justice. Cette honte aduré et s’est étendue sur toute la magistrature de la France depuis 1515 jusqu’à 1771, l’espace de deux cent cinquante-cinq ans, jusqu’à ce qu’un autre chancelier[1] ait commencé à effacer cette tâche.

Depuis ce temps le parlement remontra sur toutes sortes d’objets. Il était autorisé par l’édit paternel de Louis XII, père du peuple : « Qu’on suive toujours la loi, malgré les ordres contraires à la loi que l’importunité pourrait arracher au monarque. »

Après François Ier le parlement fut continuellement en querelle avec le ministère, ou du moins en défiance. Les malheureuses guerres de religion augmentèrent son crédit ; et plus il fut nécessaire, plus il fut entreprenant. Il se regardait comme le tuteur des rois dès le temps de François II. C’est ce que Charles IX lui reprocha au temps de sa majorité par ces propres mots :

« Je vous ordonne de ne pas agir avec un roi majeur comme vous avez fait pendant sa minorité ; ne vous mêlez pas des affaires dont il ne vous appartient pas de connaître ; souvenez-vous que votre compagnie n’a été établie par les rois que pour rendre la justice suivant les ordonnances du souverain. Laissez au roi et à son conseil les affaires d’État ; défaites-vous de l’erreur de vous regarder comme les tuteurs des rois, comme les défenseurs du royaume, et comme les gardiens de Paris. »

Le malheur des temps l’engagea dans le parti de la Ligue contre Henri III. Il soutint les Guises au point qu’après le meurtre de Henri de Guise et du cardinal son frère, il commença des procédures contre Henri III, et nomma deux conseillers, Pichon et Courtin, pour informer[2].

Après la mort de Henri III, il se déclara contre Henri le Grand. La moitié de ce corps était entraînée par la faction d’Espagne, et l’autre par un faux zèle de religion.

Henri IV eut un autre petit parlement auprès de lui ainsi que Charles VII. Il rentra comme lui dans Paris par des négociations secrètes plus que par la force, et il réunit les deux parlements ainsi que Charles VII en avait usé.

Tout le ministère du cardinal de Richelieu fut signalé par des

  1. Maupeou, second du nom, comme dit Voltaire, page 178, et chapitre lxix de son Histoire du Parlement (page 108 du tome XVI).
  2. L’arrêt ne parle que des meurtriers du duc de Guise et de leurs complices. Il n’était que hardi, et non irrégulier. (B.)