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POURQUOI (LES).

ler la foi publique, qu’il n’est pas permis de s’emparer d’un secret qui ne nous est pas confié, qu’il est souvent plus criminel de prendre à un homme ses pensées que son argent, que cette trahison est d’autant plus malhonnête qu’on peut la faire sans risque, et sans en pouvoir être convaincu.

Pour dérouter l’empressement des curieux, on imagina d’abord d’écrire une partie de ses dépêches en chiffres ; mais la partie en caractères ordinaires servait quelquefois à faire découvrir l’autre. Cet inconvénient fit perfectionner l’art des chiffres, qu’on appelle sténographie.

On opposa à ces énigmes l’art de les déchiffrer ; mais cet art fut très-fautif et très-vain. On ne réussit qu’à faire accroire à des gens peu instruits qu’on avait déchiffré leurs lettres, et on n’eut que le plaisir de leur donner des inquiétudes. Telle est la loi des probabilités que, dans un chiffre bien fait, il y a deux cents, trois cents, quatre cents à parier contre un que dans chaque numéro vous ne devinerez pas la syllabe dont il est représentatif.

Le nombre des hasards augmente avec la combinaison de ces numéros ; et le déchiffrement devient totalement impossible quand le chiffre est fait avec un peu d’art.

Ceux qui se vantent de déchiffrer une lettre sans être instruits des affaires qu’on y traite, et sans avoir des secours préliminaires, sont de plus grands charlatans que ceux qui se vanteraient d’entendre une langue qu’ils n’ont point apprise.

Quant à ceux qui vous envoient familièrement par la poste une tragédie en grand papier et en gros caractère, avec des feuilles blanches pour y mettre vos observations, ou qui vous régalent d’un premier tome de métaphysique en attendant le second, on peut leur dire qu’ils n’ont pas toute la discrétion requise, et qu’il y a même des pays où ils risqueraient de faire connaître au ministère qu’ils sont de mauvais poëtes et de mauvais métaphysiciens.



POURQUOI (LES).


[1]Pourquoi ne fait-on presque jamais la dixième partie du bien qu’on pourrait faire ?

Il est clair que si une nation qui habite entre les Alpes, les

  1. Le commencement de cet article n’est dans aucune édition donnée du vivant de l’auteur, soit du Dictionnaire philosophique, soit des Questions sur l’Encyclopédie. (B.)