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PUISSANCE, TOUTE-PUISSANCE.
sœur fessue.

Mon confesseur une bête ! sainte Vierge Marie !

le métaphysicien.

Je ne dis pas cela ; je dis qu’il ne pourrait justifier que par une bêtise énorme les faux principes qu’il vous a insinués, peut-être fort adroitement, pour vous gouverner.

sœur fessue.

Ouais ! j’y penserai ; cela mérite réflexion. »



PUISSANCE, TOUTE-PUISSANCE[1].


Je suppose que celui qui lira cet article est convaincu que ce monde est formé avec intelligence, et qu’un peu d’astronomie et d’anatomie suffisent pour faire admirer cette intelligence universelle et suprême.

Encore une fois, Mens agitat molem. (Virg., Æn., VI.)

Peut-il savoir par lui-même si cette intelligence est toute-puissante, c’est-à-dire infiniment puissante ? A-t-il la moindre notion de l’infini, pour comprendre ce que c’est qu’une puissance infinie ?

Le célèbre historien philosophe David Hume dit[2] : « Un poids de dix onces est enlevé dans la balance par un autre poids ; donc cet autre poids est de plus de dix onces ; mais on ne peut apporter de raison pourquoi il doit être de cent. »

On peut dire de même : Tu reconnais une intelligence suprême assez forte pour te former, pour te conserver un temps limité, pour te récompenser, pour te punir. En sais-tu assez pour te démontrer qu’elle peut davantage ?

Comment peux-tu te prouver par ta raison que cet être peut plus qu’il n’a fait ? La vie de tous les animaux est courte. Pouvait-il la faire plus longue ?

Tous les animaux sont la pâture les uns des autres sans exception : tout naît pour être dévoré. Pouvait-il former sans détruire ?

Tu ignores quelle est sa nature. Tu ne peux donc savoir si sa nature ne l’a pas forcé de ne faire que les choses qu’il a faites.

Ce globe n’est qu’un vaste champ de destruction et de carnage. Ou le grand Être a pu en faire une demeure éternelle de délices

  1. Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie ». 1771. (B.)
  2. Particular Providence, page 359. (Note de Voltaire.)