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RELIQUES.

grands chemins en l’honneur des martyrs, dont on déterrait çà et là de prétendues reliques, sur des songes et de vaines révélations de toutes sortes de gens.

Saint Augustin[1] rapporte que, vers l’an 415, Lucien, prêtre et curé d’un bourg nommé Caphargamata, distant de quelques milles de Jérusalem, vit en songe jusqu’à trois fois le docteur Gamaliel, qui lui déclara que son corps, ceux d’Abibas son fils, de saint Étienne et de Nicodème, étaient enterrés dans un endroit de sa paroisse qu’il lui indiqua. Il lui commanda, de leur part et de la sienne, de ne les pas laisser plus longtemps dans le tombeau négligé où ils étaient depuis quelques siècles, et d’aller dire à Jean, évêque de Jérusalem, de venir les en tirer incessamment, s’il voulait prévenir les malheurs dont le monde était menacé. Gamaliel ajouta que cette translation devait se faire sous l’épiscopat de Jean, qui mourut environ un an après. L’ordre du Ciel était que le corps de saint Étienne fût transporté à Jérusalem.

Lucien ou entendit mal ou fut malheureux ; il fit creuser et ne trouva rien : ce qui obligea le docteur juif d’apparaître à un moine fort simple et fort innocent, et de lui marquer plus précisément l’endroit où reposaient les sacrées reliques. Lucien y trouva le trésor qu’il cherchait, selon la révélation que Dieu lui en avait faite. Il y avait dans ce tombeau une pierre où était gravé le mot de cheliel, qui signifie couronne en hébreu, comme stephanos en grec. À l’ouverture du cercueil d’Étienne la terre trembla ; on sentit une odeur excellente, et un grand nombre de malades furent guéris. Le corps du saint était réduit en cendres, hormis les os, que l’on transporta à Jérusalem et que l’on mit dans l’église de Sion. À la même heure il survint une grande pluie, au lieu qu’il y avait eu jusqu’alors une extrême sécheresse.

Avite, prêtre espagnol, qui était alors en Orient, traduisit en latin cette histoire que Lucien avait écrite en grec. Comme l’Espagnol était ami de Lucien, il en obtint une petite portion des cendres du saint, quelques os pleins d’une onction qui était la preuve visible de leur sainteté, surpassant les parfums nouvellement faits et les odeurs les plus agréables. Ces reliques, apportées par Orose dans l’île de Minorque, y convertirent en huit jours cinq cent quarante Juifs.

On fut ensuite informé, par diverses visions, que des moines d’Égypte avaient des reliques de saint Étienne, que des inconnus y avaient portées. Comme les moines, n’étant pas prêtres alors,

  1. Cité de Dieu, livre XXII, chapitre viii. (Note de Voltaire.)