les corps proportionnellement, comme les diables de Milton dans la salle du Pandémonium.
Cette résurrection se fera au son de la trompette, à ce que dit saint Paul. Il faudra nécessairement qu’il y ait plusieurs trompettes, car le tonnerre lui-même ne s’entend guère plus de trois ou quatre lieues à la ronde. On demande combien il y aura de trompettes : les théologiens n’ont pas encore fait ce calcul ; mais ils le feront.
Les Juifs disent que la reine Cléopâtre, qui sans doute croyait la résurrection comme toutes les dames de ce temps-là, demanda à un pharisien si on ressusciterait tout nu. Le docteur lui répondit qu’on serait très-bien habillé, par la raison que le blé qu’on sème, étant mort en terre, ressuscite en épi avec une robe et des barbes. Ce rabbin était un théologien excellent ; il raisonnait comme dom Calmet.
On a prétendu que le dogme de la résurrection était fort en vogue chez les Égyptiens, et que ce fut l’origine de leurs embaumements et de leurs pyramides ; et moi-même je l’ai cru autrefois[2]. Les uns disaient qu’on ressusciterait au bout de mille ans, d’autres voulaient que ce fût après trois mille. Cette différence dans leurs opinions théologiques semble prouver qu’ils n’étaient pas bien sûrs de leur fait. D’ailleurs nous ne voyons aucun homme ressuscité dans l’histoire d’Égypte, mais nous en avons quelques-uns chez les Grecs. C’est donc aux Grecs qu’il faut s’informer de cette invention de ressusciter.
Mais les Grecs brûlaient souvent les corps, et les Égyptiens les embaumaient, afin que quand l’âme, qui était une petite figure aérienne, reviendrait dans son ancienne demeure, elle la trouvât toute prête. Cela eût été bon si elle eût retrouvé ses organes ; mais l’embaumeur commençait par ôter la cervelle et vider les entrailles. Comment les hommes auraient-ils pu ressusciter sans intestins et sans la partie médullaire par où l’on pense ? où reprendre son sang, sa lymphe, et ses autres humeurs ?
Vous me direz qu’il était encore plus difficile de ressusciter
- ↑ Section ire dans les Questions sur l’Encyclopédie, huitième partie, 1771. (B.)
- ↑ Tome XI, page 65 ; et dans le chapitre x de Dieu et les Hommes : voyez les Mélanges, année 1769 ; mais Voltaire est revenu à sa première idée dans l’article xxiv de ses Fragments sur l’Inde (voyez les Mélanges, année 1773).