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SCOLIASTE.

Vous traduisez : « Il inondera ses chambres de ce vin qui nagera sur ses riches parquets, de ce vin qui aurait dû être réservé pour les festins des pontifes. »

Horace ne dit rien de tout cela. Comment voulez-vous que du vin dont on fait une petite libation dans le triclinium, dans la salle à manger, inonde ces chambres ? Pourquoi prétendez-vous que ce vin dût être réservé pour les pontifes ? J’ai d’excellent vin de Malaga et de Canarie ; mais je vous réponds que je ne l’enverrai pas à mon évêque.

Horace parle d’un superbe parquet, d’une magnifique mosaïque ; et vous m’allez parler d’un vin superbe, d’un vin magnifique ! On lit dans toutes les éditions d’Horace : Tinget pavimentum superbum, et non pas superbo.

Vous dites que c’est un grand sentiment de religion dans Horace de ne vouloir réserver ce bon vin que pour les prêtres. Je crois, comme vous, qu’Horace était très-religieux, témoin tous ses vers pour les bambins ; mais je pense qu’il aurait encore mieux aimé boire ce bon vin de Cécube que de le réserver pour les prêtres de Rome.

Motus doceri gaudet ionicos
Matura virgo, et fingitur artubus, etc.

(Liv. III, od. vi.)

Vous traduisez : « Le plus grand plaisir de nos filles à marier est d’apprendre les danses lascives des Ioniens. À cet usage elles n’ont point de honte de se rendre les membres souples, et de les former à des postures déshonnêtes. »

Que de phrases pour deux petits vers ? Ah, monsieur, des postures déshonnêtes ! S’il y a dans le latin fingitur artubus, et non pas artibus, cela ne signifie-t-il pas : « Nos jeunes filles apprennent les danses et les mouvements voluptueux des Ioniennes ? » et rien de plus.

Je tombe sur cette ode[1], Horrida tempestas.

Vous dites que le vieux commentateur se trompe en pensant que contraxit cœlum signifie nous a caché le ciel ; et pour montrer qu’il s’est trompé, vous êtes de son avis.

Ensuite quand Horace introduit le docteur Chiron, précepteur d’Achille, annonçant à son élève, pour l’encourager, qu’il ne reviendra pas de Troie :

Unde tibi reditum certo subtemine Parcæ
Rupere.

(Epod. xiii.)
  1. Livre V, ode xiii. (Note de Voltaire.)