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THÉOLOGIEN.

différer de l’un et de l’autre ; il n’est pas permis à celui qui reçoit le bonnet à Paris de soutenir certaines opinions que le docteur de Rome ne peut abandonner. Les ordres religieux, jaloux les uns des autres, se sont divisés. Un cordelier doit croire l’immaculée conception ; un dominicain est obligé de la rejeter, et il passe aux yeux du cordelier pour un hérétique. L’esprit géométrique, qui s’est tant répandu en Europe, a achevé d’avilir la théologie. Les vrais philosophes n’ont pu s’empêcher de montrer le plus profond mépris pour des disputes chimériques dans lesquelles on n’a jamais défini les termes, et qui roulent sur des mots aussi inintelligibles que le fond. Parmi les docteurs mêmes il s’en trouve beaucoup de véritablement doctes qui ont pitié de leur profession ; ils sont comme les augures dont Cicéron dit qu’ils ne pouvaient s’aborder sans rire[1].



THÉOLOGIEN.
SECTION PREMIÈRE[2].

Le théologien sait parfaitement que, selon saint Thomas, les anges sont corporels par rapport à Dieu ; que l’âme reçoit son être dans le corps ; que l’homme a l’âme végétative, sensitive, et intellective ;

Que l’âme est toute en tout, et toute en chaque partie ;

Qu’elle est la cause efficiente et formelle du corps ;

Qu’elle est la dernière dans la noblesse des formes ;

Que l’appétit est une puissance passive ;

Que les archanges tiennent le milieu entre les anges et les principautés ;

Que le baptême régénère par soi-même et par accident ;

Que le catéchisme n’est pas sacrement, mais sacramental ;

  1. Mirabile videtur quod non rideat aruspex, cum aruspicem viderit : voilà ce que dit Cicéron dans son traité de Natura deorum, I, 26. Mais dans son traité de Divinatione, II, 24, il rapporte ce mot comme étant de Caton : Vetus autem illud Catonis admodum scitum est, qui mirari se agebat quod non rideret aruspex aruspicem cum vidisset. C’est cette dernière phrase que Voltaire rappelle dans la quatrième de ses Remarques pour servir de supplément à l’Essai sur les Mœurs (voyez dans les Mélanges, année 1763).
  2. Ce qui forme cette première section était, dans les Nouveaux Mélanges, troisième partie, 1765, placé immédiatement après les articles Médecins et Avocats (voyez ces mots), et commençait alors ainsi : « Le théologien est toute autre chose. Il sait parfaitement, etc. » (B.)