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THÉOLOGIEN.

Que la certitude vient de la cause et du sujet ;

Que la concupiscence est l’appétit de la délectation sensitive ;

Que la conscience est un acte, et non pas une puissance.

L’ange de l’école a écrit environ quatre mille belles pages dans ce goût. Un jeune homme tondu passe trois années à se mettre dans la cervelle ces sublimes connaissances, après quoi il reçoit le bonnet de docteur en Sorbonne, et non pas aux petites-maisons !

S’il est homme de condition, ou fils d’un homme riche, ou intrigant et heureux, il devient évêque, archevêque, cardinal, pape.

S’il est pauvre et sans crédit, il devient le théologien d’un de ces gens-là : c’est lui qui argumente pour eux, qui relit saint Thomas et Scot pour eux, qui fait des mandements pour eux, qui dans un concile décide pour eux.

Le titre de théologien est si grand que les Pères du concile de Trente le donnèrent à leurs cuisiniers, cuoco celeste, gran teologo. Leur science est la première des sciences, leur condition la première des conditions, et eux les premiers des hommes : tant la véritable doctrine a d’empire ! tant la raison gouverne le genre humain !

Quand un théologien est devenu, grâce à ses arguments, ou prince du Saint-Empire, ou archevêque de Tolède, ou l’un des soixante et dix princes vêtus de rouge, successeurs des humbles apôtres, alors les successeurs de Galien et d’Hippocrate sont à ses gages. Ils étaient ses égaux quand ils étudiaient dans la même université, qu’ils avaient les mêmes degrés, (qu’ils recevaient le même bonnet fourré, La fortune change tout ; et ceux qui ont découvert la circulation du sang, les veines lactées, le canal thoracique, sont les valets de ceux qui ont appris ce que c’est que la grâce concomitante, et qui l’ont oublié.

SECTION II[1].

J’ai connu un vrai théologien ; il possédait les langues de l’Orient, et était instruit des anciens rites des nations autant qu’on peut l’être. Les brachmanes, les Chaldéens, les ignicoles, les sabéens, les Syriens, les Égyptiens, lui étaient aussi connus que les Juifs ; les diverses leçons de la Bible lui étaient familières ;

  1. Cette section formait tout l’article dans le Dictionnaire philosophique, 1765, in-12. (B.)