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AVERTISSEMENT
POUR LA PRÉSENTE ÉDITION.


La supériorité de Voltaire dans le conte philosophique est une des vérités littéraires les plus universellement reconnues et les moins contestables. Nous pouvons recueillir à ce sujet divers jugements et témoignages qui seront bien placés en tête de ce volume. Relevons d’abord quelques lignes de La Harpe, qui ne sont pas à dédaigner.

« Un homme qui s’est ouvert des sentiers nouveaux dans toutes les carrières où il est entré après d’autres, un écrivain qui a donné à ses compositions en tout genre l’empreinte d’un esprit original, Voltaire a voulu faire des romans, et il fallait bien que les siens ne ressemblassent pas à ceux qu’on avait faits. Ce n’est pas que dans Zadig il n’ait emprunté d’ouvrages connus le fond de plusieurs chapitres : de l’Arioste, par exemple, celui de l’homme aux armes vertes ; des Mille et un Jours celui de l’ermite, etc ; que dans Micromégas il n’ait imité une idée de Gulliver ; que dans l’Ingénu la principale situation ne soit prise de la Baronne de Luz, roman de Duclos ; mais l’ensemble et la manière lui appartiennent, et il a mis partout le cachet de son génie. Ce qui caractérise Zadig, Candide, Memnon, Scarmentado, l’Ingénu, c’est un fond de philosophie semée partout dans un style rapide, ingénieux et piquant, rendue plus sensible par des contrastes saillants et des rapprochements inattendus, qui frappent l’imagination et qui semblent à la fois le secret et le jeu de son génie. Nul n’a mieux connu l’art de tourner la raison en plaisanterie, il converse avec ses lecteurs, et leur fait accroire qu’ils ont tout l’esprit qu’il leur donne, tant les idées qu’il jette en foule se présentent sous un jour clair et sous un aspect agréable ! Il a quelquefois, dans les petites choses, le ton sérieusement ironique et la sorte de persiflage que l’on aime dans Hamilton, auteur qui lui ressemble dans son genre comme une conversation spirituelle ressemble à un bon livre[1]. »

Voyons ensuite comment s’exprime Auger, en son temps secrétaire perpétuel de l’Académie française, et l’un des derniers classiques, selon le sens qu’avait ce mot pendant la première moitié de ce siècle.

« Il y a peu de lectures aussi attrayantes que celle des romans de Voltaire. Moins étendus que les compositions qu’on nomme ainsi ordinairement, on

  1. Cours de littérature : édition 1825, tome XVI, p. 299.