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Ce discours plausible me fit beaucoup réfléchir, et ne me consola guère.


II. — ENTRETIEN AVEC UN GÉOMÈTRE.


Il arrive quelquefois qu’on ne peut rien répondre, et qu’on n’est pas persuadé. On est atterré sans pouvoir être convaincu. On sent dans le fond de son âme un scrupule, une répugnance qui nous empêche de croire ce qu’on nous a prouvé. Un géomètre vous démontre qu’entre un cercle et une tangente vous pouvez faire passer une infinité de lignes courbes, et que vous n’en pouvez faire passer une droite : vos yeux, votre raison, vous disent le contraire. Le géomètre vous répond gravement que c’est là un infini du second ordre. Vous vous taisez, et vous vous en retournez tout stupéfait, sans avoir aucune idée nette, sans rien comprendre, et sans rien répliquer.

Vous consultez un géomètre de meilleure foi, qui vous explique le mystère. « Nous supposons, dit-il, ce qui ne peut être dans la nature, des lignes qui ont de la longueur sans largeur : il est impossible, physiquement parlant, qu’une ligne réelle en pénètre une autre. Nulle courbe, ni nulle droite réelle ne peut passer entre deux lignes réelles qui se touchent : ce ne sont là que des jeux de l’entendement, des chimères idéales ; et la véritable géométrie est l’art de mesurer les choses existantes. »

Je fus très-content de l’aveu de ce sage mathématicien, et je me mis à rire, dans mon malheur, d’apprendre qu’il y avait de la charlatanerie jusque dans la science qu’on appelle la haute science[1].

    priétaires y gagneraient encore plus par la destruction des abus qu’entraîne toute autre méthode d’imposition.

    2o  Supposons qu’un négociant paye un droit de sortie pour une marchandise exportée, et que ce droit soit changé en impôt territorial : alors son profit paraîtra augmenter ; mais, comme il se contentait d’un moindre profit, la concurrence entre les négociants le fera tomber au même taux, en augmentant à proportion le prix d’achat des denrées exportées. Si, au contraire, payant un droit pour les marchandises importées, ce droit est supprimé, la concurrence fera tomber ces marchandises à proportion ; ainsi, dans tous les cas, le profit de ce marchand sera le même, et dans aucun il ne payera réellement l’impôt. (K.)

  1. Il y a ici une équivoque : quand on dit qu’une ligne courbe passe entre le cercle et sa tangente, on entend que cette ligne courbe se trouve entre le cercle et sa tangente au delà du point de ce contact et en deçà : car, à ce point, elle se confond avec ces deux lignes. Les lignes sont la limite des surfaces, comme les surfaces sont la limite des corps, et ces limites doivent être supposées sans largeur : il n’y a point de charlatanerie là dedans. La mesure de l’étendue abstraite est l’objet de la géométrie ; celle des choses existantes en est l’application. (K.)