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LA PRINCESSE DE BABYLONE.

auprès de sa fille ; mais il a décidé que je ne serais jamais mariée.

— Je veux venger votre père, votre grand-père, et vous, dit le roi des Scythes. Je vous réponds que vous serez mariée ; je vous enlèverai après-demain de grand matin, car il faut dîner demain avec le roi de Babylone, et je reviendrai soutenir vos droits avec une armée de trois cent mille hommes.

— Je le veux bien », dit la belle Aldée ; et, après s’être donné leur parole d’honneur, ils se séparèrent.


CHAPITRE V.

L’OISEAU MERVEILLEUX PARLE À FORMOSANTE ; IL LUI FAIT SON HISTOIRE. DESCRIPTION DU PAYS DES GANGARIDES, D’OÙ EST SON AMI APPELÉ AMAZAN. ENTREPRISE INFRUCTUEUSE D’UN ROI DES INDES SUR CETTE CONTRÉE. LEURS RICHESSES, LEURS GUERRES, LEUR RELIGION. CONSEILS DE L’OISEAU À LA PRINCESSE.


Il y avait longtemps que l’incomparable Formosante s’était allée coucher. Elle avait fait placer à côté de son lit un petit oranger dans une caisse d’argent pour y faire reposer son oiseau. Ses rideaux étaient fermés ; mais elle n’avait nulle envie de dormir ; son cœur et son imagination étaient trop éveillés. Le charmant inconnu était devant ses yeux ; elle le voyait tirant une flèche avec l’arc de Nembrod ; elle le contemplait coupant la tête du lion ; elle récitait son madrigal ; enfin elle le voyait s’échapper de la foule, monté sur sa licorne ; alors elle éclatait en sanglots ; elle s’écriait avec larmes : « Je ne le reverrai donc plus ; il ne reviendra pas !

— Il reviendra, madame, lui répondit l’oiseau du haut de son oranger ; peut-on vous avoir vue, et ne pas vous revoir ?

— Ô ciel ! ô puissances éternelles ! mon oiseau parle le pur chaldéen ! »

En disant ces mots, elle tire ses rideaux, lui tend les bras, se met à genoux sur son lit : « Êtes-vous un dieu descendu sur la terre ? êtes-vous le grand Orosmade caché sous ce beau plumage ? Si vous êtes un dieu, rendez-moi ce beau jeune homme.

— Je ne suis qu’un volatile, répliqua l’autre ; mais je naquis dans le temps que toutes les bêtes parlaient encore, et que les oiseaux, les serpents, les ânesses, les chevaux, et les griffons, s’entretenaient familièrement avec les hommes. Je n’ai pas voulu