elle interrompait à tout moment la lecture pour demander de quel côté venait le vent.
CHAPITRE XVI.
Cependant Amazan était déjà sur le chemin de la capitale d’Albion, dans son carrosse à six licornes, et rêvait à sa princesse. Il aperçut un équipage versé dans un fossé ; les domestiques s’étaient écartés pour aller chercher du secours ; le maître de l’équipage restait tranquillement dans sa voiture, ne témoignant pas la plus légère impatience, et s’amusant à fumer, car on fumait alors : il se nommait milord What-then, ce qui signifie à peu près milord Qu’importe en la langue dans laquelle je traduis ces mémoires.
Amazan se précipita pour lui rendre service ; il releva tout seul la voiture, tant sa force était supérieure à celle des autres hommes. Milord Qu’importe se contenta de dire : « Voilà un homme bien vigoureux. »
Des rustres du voisinage, étant accourus, se mirent en colère de ce qu’on les avait fait venir inutilement, et s’en prirent à l’étranger : ils le menacèrent en l’appelant chien d’étranger, et ils voulurent le battre.
Amazan en saisit deux de chaque main, et les jeta à vingt pas ; les autres le respectèrent, le saluèrent, lui demandèrent pour boire : il leur donna plus d’argent qu’ils n’en avaient jamais vu. Milord Qu’importe lui dit : « Je vous estime ; venez dîner avec moi dans ma maison de campagne, qui n’est qu’à trois milles » ; il monta dans la voiture d’Amazan, parce que la sienne était dérangée par la secousse.
Après un quart d’heure de silence, il regarda un moment Amazan, et lui dit : How d’ye do ; à la lettre : Comment faites-vous faire ? et dans la langue du traducteur : Comment vous portez-vous ? ce qui ne veut rien dire du tout en aucune langue ; puis il ajouta : « Vous avez là six jolies licornes » ; et il se remit à fumer.
Le voyageur lui dit que ses licornes étaient à son service ; qu’il venait avec elles du pays des Gangarides ; et il en prit occasion