VIII. On prétend, dans le chapitre deuxième du livre premier, que pendant cinq ans le roi dépensa, pour la guerre, soixante millions par an, qui en valent environ six vingts de notre monnaie, et cela sans cesser de payer les charges de l’État, et sans moyens extraordinaires. Et, d’un autre côté, dans le chapitre ix, partie ii, il est dit qu’en temps de paix il entrait par an, à l’épargne, environ trente-cinq millions, dont il fallait encore rabattre beaucoup. Ne paraît-il pas entre ces deux calculs une contradiction évidente ?
IX. Est-il d’un ministre d’appeler à tout moment les rentes à huit, à six, à cinq pour cent, des rentes au denier huit, au denier six, au denier cinq ? Le denier cinq est vingt pour cent, et le denier vingt est cinq pour cent : ce sont des choses qu’un apprenti ne confondrait pas.
X. Est-il vraisemblable que le cardinal de Richelieu ait appelé les parlements cours souveraines, et qu’il propose, chapitre ix, partie ii, de faire payer la taille à ces cours souveraines ?
XI. Est-il vraisemblable qu’il ait proposé de supprimer les gabelles ? et ce projet n’a-t-il pas été fait par un politique oisif plutôt que par un homme nourri dans les affaires ?
XII. Enfin ne voit-on pas combien il est incroyable qu’un ministre, au milieu de la guerre la plus vive, ait intitulé un chapitre : Succincte Narration des actions du roi jusqu’à la paix ?
Voilà bien des raisons de douter que ce grand ministre soit l’auteur de ce livre. Je me souviens d’avoir entendu dire dans mon enfance, à un vieillard très-instruit, que le Testament politique était de l’abbé Bourzeis, l’un des premiers académiciens, et homme très-médiocre. Mais je crois qu’il est plus aisé de savoir de qui ce livre n’est pas que de connaître son auteur[1]. Remarquez ici quelle est la faiblesse humaine. On admire ce livre parce qu’on le croit d’un grand ministre. Si on savait qu’il est de l’abbé Bourzeis, on ne le lirait pas. En rendant ainsi justice à tout le monde, en pesant tout dans une balance exacte, élevez-vous surtout contre la calomnie[2].
On a vu, soit en Hollande, soit ailleurs, de ces ouvrages périodiques destinés en apparence à instruire, mais composés en effet pour diffamer ; on a vu des auteurs que l’appât du gain et la malignité ont transformés en satiriques mercenaires, et qui