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ET SUR SA PROPAGATION.

Il est étendu par conséquent ; mais a-t-il la pesanteur et la pénétrabilité de la matière ? est-il en effet un corps tel que les autres corps ? Plusieurs philosophes très-respectables en ont douté.

Newton, page 207 de ses Principes, scolie de la proposition xcvi, dit qu’il n’examine pas si « les rayons du soleil sont un corps ou non ; qu’il détermine seulement des trajectoires des corps semblables aux trajectoires des rayons du soleil ».

Or, puisqu’il est constant par l’expérience que les rayons du soleil réunis sont le feu le plus pur et le plus violent, douter s’ils sont un corps c’est douter si le feu est un corps.

D’autres physiciens, dont la raison s’est éclairée par quarante ans d’études et d’expériences, après avoir cherché si le feu a quelque poids, ne lui en ont jamais trouvé. Le célèbre Boerhaave dit dans sa Chimie qu’ayant pesé huit livres de fer froid, puis tout ardent, puis refroidi encore, il a toujours trouvé son même poids de huit livres.

Cette épreuve semble réclamer contre d’autres épreuves faites par des mains non moins habiles et non moins exercées. On sait que cent livres de plomb produisent, après la calcination, jusqu’à cent dix livres de minium.

On sait que quatre onces d’antimoine, exposées près du foyer du verre ardent du Palais-Royal, après avoir été calcinées au feu élémentaire, ont pesé aussi près d’un dixième plus qu’auparavant, quoique cet antimoine eût perdu beaucoup de sa substance dans l’exhalaison de sa fumée, etc.

Il ne s’agit à présent que de savoir si cette augmentation de poids dans cette expérience peut prouver la pesanteur du feu, et si l’égalité de poids, dans l’expérience de M. Boerhaave, peut prouver que le feu ne pèse point.

Qu’il me soit permis de rapporter ici ce que je viens de faire pour m’éclairer sur cette difficulté.

Le respect que l’on doit au corps qui jugera ce faible Essai est un garant de l’exactitude avec laquelle j’ai tâché de m’instruire, et de la fidélité avec laquelle je rapporte ce que j’ai vu, dont d’ailleurs j’ai dix témoins oculaires.

J’ai été exprès à une forge de fer, et là, ayant fait réformer toutes les balances, et en ayant fait apporter d’autres, toutes les balances de fer ayant des chaînes de fer au lieu de cordes, j’ai fait peser depuis une livre jusqu’à deux mille livres de métal ardent et refroidi ; et, n’ayant jamais trouvé la moindre différence dans le poids, voici comme je raisonnais : Ces masses énormes de fer ardent avaient acquis par leur dilatation une plus grande