Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
ESSAI SUR LA NATURE DU FEU

DEUXIÈME LOI.

Le feu agit en raison inverse du carré de sa distance : cela est assez prouvé, puisque le feu se répand également en tout sens : c’est aussi en vertu de cette loi que de deux corps d’égale longueur et épaisseur, le plus large présentant une plus grande quantité de matière plus voisine de la flamme que le moins large, le corps le plus large sera toujours le plus tôt échauffé, en raison directe de cet excès de quantité de matière, et en raison du carré de la proximité du feu[1].

TROISIÈME LOI.

Le feu augmente le volume de tous les corps avant d’enlever leurs parties.

Si le bois, les cordes, etc., ne paraissent pas augmenter de volume, c’est qu’on n’a pas le temps de les mesurer avant que leurs parties aient été dissipées.

Il est démontré par cette loi que le feu, puisqu’il est pesant, doit augmenter le poids des corps avant qu’il en ait fait évaporer quelque choses[2].

QUATRIÈME LOI.

Les corps retiennent leur chaleur d’autant plus longtemps qu’il a fallu plus de temps pour les échauffer. Ainsi le fer ayant acquis 70 degrés de chaleur et d’expansion en 6 minutes 47 secondes, et un pareil volume de plomb, à feu égal, ayant acquis 70 pareils degrés en une seule minute, ce plomb, raréfié à ce même degré 5 minutes 47 secondes plus tôt que le fer, se refroidira, se contractera aussi environ 5 minutes 47 secondes plus tôt que le fer.

Cette règle souffre pourtant quelques exceptions : la craie, par exemple, et quelques pierres, se refroidissent fort vite après s’être très-lentement échauffées ; la raison est vraisemblablement que le feu a changé leurs parties, et ouvert leurs pores ; et, comme nous le dirons après avoir exposé toutes ces lois, le tissu des substances et l’arrangement des pores doit apporter quelque changement aux règles les plus générales[3].

  1. L’énoncé de la loi est vrai, l’explication est inexacte. (D.)
  2. Le feu n’augmente jamais le poids des corps. (D.)
  3. Voltaire énonce une loi vraie. Le pouvoir absorbant et le pouvoir émissif se correspondent. La dernière phrase montre qu’il sent une lacune dans les connaissances de son temps. (D.)