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ET SUR SA PROPAGATION.

J’ai eu la curiosité d’entasser quatre livres de charbons noirs dans une boîte de tôle, que je fermai très-bien ; cette boîte était haute de cinq pouces, large d’un pied, et longue d’environ deux pieds ; je la fis rougir de tous côtés au feu le plus violent pendant une heure et demie ; au bout de ce temps le tout pesait quatre onces de moins, les charbons étaient très-chauds, pas un n’était allumé, et plusieurs s’embrasèrent dès qu’ils reçurent l’action de l’air extérieur.

Mais il y a souvent en physique expérience contre expérience ; du fer enfermé dans cette même boîte s’embrase et rougit très-bien[1].

Si un métal très-chaud se refroidit dans l’air, pareil volume de même métal se refroidit dans le vide en temps égal.

Suivant l’expérience exacte rapportée dans les Additamenta experimentis Florentinis, le soufre avec le salpêtre sur un fer ardent y jette des flammes ; la poudre à canon s’y est enflammée quelquefois aux rayons réunis du soleil, etc. La difficulté est donc de savoir quand l’air est nécessaire au feu, et quand il ne l’est pas.

Il faut, je crois, partir toujours de ce principe que le feu agit par son mouvement et par sa masse, et qu’il agit autant qu’on lui résiste.

Sur ce principe, la poudre à canon ne s’enflammera que difficilement dans le vide, ne fera point d’explosion, parce qu’elle manquera d’air qui la repousse[2].

Ainsi je concevrai le feu agissant dans l’air et dans le vide comme un ressort quelconque qui pousse un corps dur, et qui se perd dans un corps mou.

Que l’on allume un feu de bois d’un pied carré, ce feu agité continuellement contre un poids d’environ 2,000 livres d’air, c’est-à-dire contre un ressort qui a la force de 2,000 livres, ce ressort se déploie à chaque instant, et augmente ainsi le mouvement du feu, et par conséquent sa force ; si le ressort de l’air qui presse sur un feu allumé s’épuisait par sa dilatation, le feu contre lequel il n’agirait plus s’éteindrait ; si l’on pompe l’air, le feu s’éteint encore plus vite. L’air fait donc uniquement l’office d’un soufflet qui est nécessaire à un feu médiocre[3].

  1. Tout ceci se ressent de l’imperfection de l’art expérimental et de l’ignorance de l’époque sur les phénomènes chimiques. (D.)
  2. Erreur. Que le lecteur n’essaye pas sans précaution. (D.)
  3. On a ignoré jusqu’à ces dernières années la cause de l’observation si ancienne que la présence de l’air est nécessaire pour que les corps puissent brûler. C’est depuis peu qu’on a découvert qu’une espèce d’air, le seul dans lequel la vie des