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ET SUR SA PROPAGATION.

parce que la masse du feu qui les choquait n’était point assez puissante ; il fallait que la quantité du feu vainquît la quantité de résistance de l’atmosphère de ces charbons : cette atmosphère est très-dense et très-sensible. Tous les corps en ont une, mais celle du charbon est beaucoup plus épaisse ; elle augmente à mesure qu’ils sont échauffés, elle les défend contre l’action de ce feu, qui n’est que médiocre. Je suis très-persuadé que si on avait jeté ma boite de fer dans un feu plus violent qui eût pu la fondre, ces charbons se seraient embrasés dans leur boîte sans le secours de l’air extérieur.

Il paraît donc qu’il ne s’agit dans tout ceci que du plus et du moins dans tous les cas possibles ; on peut donc admettre cette règle « qu’un petit feu a besoin d’air, et qu’un grand feu n’en a nul besoin[1]. ».

Il n’y a pas d’apparence que le feu du soleil subsiste par le secours d’aucune matière environnante semblable à l’air : car cette matière, étant dilatée en tous sens par ce feu prodigieux d’un globe un million de fois plus gros que le nôtre, perdrait bientôt tout son ressort et toute sa force.

ARTICLE VI.
comment le feu s’éteint.

Nous avons déjà été obligés de prévenir cet article en parlant de l’aliment du feu (article précédent) : car il était impossible de traiter de ce qui le nourrit, sans supposer ce qui l’éteint.

On dit d’ordinaire que le feu est éteint, et le vulgaire croit qu’il cesse de subsister quand on cesse de le voir et de le sentir ; cependant la même quantité de feu subsiste toujours : ce qui s’est exhalé d’une forêt embrasée s’est répandu dans l’air et dans les corps circonvoisins ; il ne se perd pas un atome de feu, il en reste toujours beaucoup dans les corps dont on fait cesser l’embrasement.

Ce que l’on doit entendre par l’extinction du feu n’est autre chose que la matière embrasée, réduite à ne contenir que la quantité de masse et de mouvement de feu proportionnelle à la quantité de matière qui reste.

  1. Principe faux dans sa forme. Un petit feu a besoin d’air parce qu’il ne l’appelle pas assez par lui-même. Un grand feu en appelle beaucoup. (D.)