dans l’année suivante Adonis[1], qui tomba encore ; et M. de Francine, malgré ces deux essais malheureux, eut encore la générosité de donner mille francs à l’auteur des vers. Rousseau se crut mal payé, et, pour s’en venger, il fit sa satire de la Francinade, pièce cruellement mordante, qu’il a fait imprimer sous le nom de Masque de Laverne, et dans laquelle il a mis le nom de Mancine, au lieu de Francine : cette correction a été faite dans son édition de Soleure, parce que, dans une quête que Mme de Couzole faisait pour Rousseau, pendant son évasion en Suisse, M. de Francine eut la bonté de donner vingt louis d’or. Ce trait singulier est rapporté dans un journal de 1736, imprimé à Amsterdam. Il faut souvent se défier de ces journaux ; mais c’est un trait dont j’ai été témoin oculaire.
Rebuté du mauvais succès de ses opéras, sorte d’ouvrage pour lequel il n’était pas propre, Rousseau se remit à faire des comédies, et fit le Capricieux[2]. Cette pièce réussit encore moins que ses opéras, et l’auteur eut la mortification de se voir siffler lui-même quand il parut sur le théâtre.
Il y avait alors à Paris un café assez fameux[3], où s’assemblaient plusieurs amateurs des belles-lettres, des philosophes, des musiciens, des peintres, des poëtes. M. de Fontenelle y venait quelquefois ; M. de Lamotte ; M. Saurin, fameux géomètre ; M. Danchet, poëte assez méprisé, mais d’ailleurs homme de lettres et honnête homme ; l’abbé Alary, fils d’un fameux apothicaire, garçon fort savant ; M. Roindin, procureur général des trésoriers de France ; M. de La Faye, capitaine aux gardes, de l’Académie des sciences ; monsieur son frère, mort secrétaire du cabinet, homme délié et qui faisait de jolis vers ; le sieur Roi, qui avait quelques talents pour les ballets ; le sieur de Rochebrune, qui faisait des chansons ; enfin plusieurs lettrés s’y rendaient tous les ours. Là, on examinait avec beaucoup de sévérité, et quelquefois avec des railleries fort amères, tous les ouvrages nouveaux.
On faisait des épigrammes, des chansons fort jolies : c’était une école d’esprit, dans laquelle il y avait un peu de licence.
Lamotte-Houdard, après avoir, par une faiblesse d’esprit assez