nos livres ; ils assistent à nos spectacles. Un ambassadeur de France, en Angleterre, est tout autre chose : il ne sait, pour l’ordinaire, pas un mot d’anglais ; il ne peut parler aux trois quarts de la nation que par interprète ; il n’a pas la moindre idée des ouvrages faits dans la langue ; il ne peut voir les spectacles, où les mœurs de la nation sont représentées. Le très-petit nombre de sociétés où il peut être admis sont d’un commerce tout opposé à la familiarité française ; on ne s’y assemble que pour jouer et pour se taire. La nation étant d’ailleurs presque toujours divisée en deux partis, l’ambassadeur, de peur d’être suspect, ne saurait être en liaison avec ceux du parti opposé au gouvernement ; il est réduit à ne voir guère que les ministres, à peu près comme un négociant qui ne connaît que ses correspondants et son trafic ; avec cette différence pourtant que le marchand, pour réussir, doit agir avec une bonne foi qui n’est pas toujours recommandée dans les instructions de Son Excellence[1] ; de sorte qu’il arrive assez souvent que l’ambassadeur est une espèce de facteur, par le canal duquel les faussetés et les tromperies politiques passent d’une cour à l’autre, et qui, après avoir menti en cérémonie, au nom du roi son maître, pendant quelques années, quitte pour jamais une nation qu’il ne connaît point du tout.
Il semble que vous pourriez tirer plus de lumière d’un particulier qui aurait assez de loisir et d’opiniâtreté pour apprendre à parler la langue anglaise ; qui converserait librement avec les whigs et les torys ; qui dînerait avec un évêque, et qui souperait avec un quaker ; irait le samedi à la synagogue, et le dimanche à Saint-Paul ; entendrait un sermon le matin, et assisterait l’après-dîner à la comédie ; qui passerait de la cour à la bourse, et, par-dessus tout cela, ne se rebuterait point de la froideur, de l’air dédaigneux et de glace que les dames anglaises mettent dans les commencements du commerce, et dont quelques-unes ne se défont jamais : un homme tel que je viens de vous le dépeindre serait encore très-sujet à se tromper, et à vous donner des idées fausses, surtout s’il jugeait, comme on juge ordinairement, par le premier coup d’œil.
Lorsque je débarquai auprès de Londres, c’était dans le milieu