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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE IV.

cette identité, loin de déroger à la grandeur de Dieu, m’est un des plus beaux témoignages de sa puissance et de sa sagesse.

Si j’osais ici ajouter quelque chose aux arguments d’un Clarke et d’un Newton, et prendre la liberté de disputer contre un Leibnitz, je dirais qu’il n’y a qu’un Être infiniment puissant qui puisse faire des choses parfaitement semblables. Quelque peine que prenne un homme à faire de tels ouvrages, il ne pourra jamais y parvenir, parce que sa vue ne sera jamais assez fine pour discerner les inégalités des deux corps ; il faut donc voir jusque dans l’infinie petitesse pour faire toutes les parties d’un corps semblables à celles d’un autre. C’est donc le partage unique de l’Être infini.

Secondement, peuvent dire encore les newtoniens, nous combattons Leibnitz par ses propres armes. Si les éléments des choses sont tous différents, si les premières parties d’un rayon rouge ne sont pas entièrement semblables, il n’y a plus alors de raison suffisante pourquoi des parties différentes donnent toujours une couleur invariable.

En troisième lieu, pourraient dire les newtoniens, si vous demandez la raison suffisante pourquoi cet atome A est dans un lieu, et cet atome B, entièrement semblable, est dans un autre lieu, la raison en est dans le mouvement qui les pousse ; et si vous demandez quelle est la raison de ce mouvement, ou bien vous êtes forcé de dire que ce mouvement est nécessaire, ou vous devez avouer que Dieu l’a commencé. Si vous demandez enfin pourquoi Dieu l’a commencé, quelle autre raison suffisante en pouvez-vous trouver, sinon qu’il fallait que Dieu ordonnât ce mouvement pour exécuter les ouvrages qu’avait projetés sa sagesse ? Mais pourquoi ce mouvement à droite plutôt qu’à gauche, vers l’occident plutôt que vers l’orient, en ce point de la durée plutôt qu’en un autre point ? Ne faut-il pas alors recourir à la volonté d’indifférence dans le Créateur ? C’est ce qu’on laisse à examiner à tout lecteur impartial.



CHAPITRE IV.

De la liberté dans l’homme. — Excellent ouvrage contre la liberté ; si bon, que le docteur Clarke y répondit par des injures. Liberté d’indifférence. Liberté de spontanéité. Privation de liberté, chose très-commune. Objections puissantes contre la liberté.

Selon Newton et Clarke, l’Être infiniment libre a communiqué à l’homme, sa créature, une portion limitée de cette liberté ; et on