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PREMIÈRE PARTIE. — CHAPITRE IX.

blable ? il y a l’infini entre un être simple et un être étendu ; et vous voulez que l’un soit fait de l’autre : celui qui dirait que plusieurs éléments de fer forment de l’or, que les parties constituantes du sucre font de la coloquinte, dirait-il quelque chose de plus révoltant ?

3° Pouvez-vous bien avancer qu’une goutte d’urine soit une infinité de monades, et que chacune d’elles ait les idées, quoique obscures, de l’univers entier, et cela parce que, selon vous, tout est plein, parce que dans le plein tout est lié, parce que tout étant lié ensemble, et une monade ayant nécessairement des idées, elle ne peut avoir une perception qui ne tienne à tout ce qui est dans le monde ?

[1]Mais est-il prouvé que tout est plein, malgré la foule des arguments métaphysiques et physiques en faveur du vide ? Est-il prouvé que, tout étant plein, votre prétendue monade doive avoir les inutiles idées de tout ce qui se passe dans ce plein ? J’en appelle à votre conscience : ne sentez-vous pas combien un tel système est purement d’imagination ? L’aveu de l’humaine ignorance sur les éléments de la matière n’est-il pas au-dessus d’une science si vaine ? Quel emploi de la logique et de la géométrie, lorsqu’on fait servir ce fil à s’égarer dans un tel labyrinthe, et qu’on marche méthodiquement vers l’erreur avec le flambeau même destiné à nous éclairer !


CHAPITRE IX.
De la force active, qui met tout en mouvement dans l’univers. — S’il y a toujours même quantité de forces dans le monde. Examen de la force. Manière de calculer la force. Conclusion des deux partis.


Je suppose d’abord que l’on convient que la matière ne peut avoir le mouvement par elle-même : il faut donc qu’elle le reçoive d’ailleurs ; mais elle ne peut le recevoir d’une autre matière, car

  1. Dans l’édition de 1756 et ses réimpressions, au lieu de ce dernier alinéa il y avait :

    « Voilà pourtant les choses qu’on a cru expliquer par lemmes, théorèmes et corollaires. Qu’a-t-on prouvé par là ? Ce que Cicéron a dit : Qu’il n’y a rien de si étrange qui ne soit soutenu par les philosophes. Ô métaphysique ! nous sommes aussi avancés que du temps des premiers druides. »

    C’est dans son ouvrage De Divinatione, II, 58, que Cicéron a dit : Nescio quomodo nihil tam absurde dici potest quod non dicatur ab aliquo philosophorum. (B.)