Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
446
DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE II.


CHAPITRE II.
Système de Malebranche aussi erroné que celui de Descartes ; nature de la lumière ; ses routes ; sa rapidité. — Erreur du P. Malebranche. Expérience qui détruit la chimère des tourbillons lumineux. Définition de la matière de la lumière. Feu et lumière sont le même être. Rapidité de la lumière. Petitesse de ses atomes. Fausse idée sur la manière dont elle nous vient. Progression de la lumière. Preuve de l’impossibilité du plein. Obstination contre ces vérités. Abus de la sainte Écriture contre ces vérités.


Le P. Malebranche, qui, en examinant les erreurs des sens, ne fut pas exempt de celles que la subtilité du génie peut causer, adopta sans preuve les trois éléments de Descartes ; mais il changea beaucoup de choses à ce château enchanté, et, en faisant moins d’expériences encore que Descartes, il fit comme lui un système.

Des vibrations du corps lumineux impriment, selon lui, des secousses à de petits tourbillons mous, capables de compression, et tous composés de matière subtile. Mais si on avait demandé à Malebranche comment ces petits tourbillons mous auraient transmis à nos yeux la lumière, comment l’action du soleil pourrait passer en un instant à travers tant de petits corps comprimés les uns par les autres, et dont un très-petit nombre suffirait pour amortir cette action ; comment ces tourbillons mous ne seraient point mêlés en tournant les uns sur les autres ? comment ces tourbillons mous seraient élastiques ? enfin, pourquoi il supposait des tourbillons ? qu’aurait répondu le P. Malebranche ? sur quel fondement posait-il cet édifice imaginaire ? Faut-il que des hommes, qui ne parlaient que de vérité, n’aient jamais écrit que des romans !

Une expérience paraît détruire absolument tous ces prétendus tourbillons de matière lumineuse, qu’on suppose si gratuitement. Recevez la lumière du soleil sur un miroir concave ; opposez autant que vous le pourrez un verre lenticulaire à ce miroir concave, de façon que les deux pointes des deux cônes lumineux se joignent dans l’air : vous opérez par cet artifice la plus violente chaleur qu’il soit possible de former sur la terre. Si les pointes de ces cônes étaient des tourbillons tendants à s’échapper de tous côtés, comme on le prétend, n’est-il pas vrai qu’ils feraient au