Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome22.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
456
DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IV.

qu’on a raison ; et lorsqu’on est assuré enfin d’avoir raison, il ne faut point railler.

Revenons, et résumons qu’il y a donc des principes ignorés qui opèrent ces merveilles, des causes qui font rejaillir la lumière avant qu’elle ait touché une surface, qui la renvoient des pores du corps transparent, qui la ramènent du milieu même du vide ; nous sommes invinciblement obligés d’admettre ces faits, quelle qu’en puisse être la cause.

Étudions donc les autres mystères de la lumière, et voyons si de ces effets surprenants on remonte jusqu’à quelque principe incontestable, qu’il faille admettre aussi bien que ces effets mêmes.


CHAPITRE IV.
De la propriété que la lumière a de se briser en passant d’une substance dans une autre, et de prendre un nouveau chemin. — Comment la lumière se brise.


La seconde propriété des rayons de la lumière qu’il faut bien examiner est celle de se détourner de leur chemin en passant du soleil dans l’air, de l’air dans le verre, du verre dans l’eau, etc. C’est cette nouvelle direction dans ces différents milieux, c’est ce brisement de la lumière qu’on appelle réfraction ; c’est par cette propriété qu’une rame plongée dans l’eau paraît courbée au matelot qui la manie ; c’est ce qui fait que dans une jatte nous apercevrons, en y jetant de l’eau, l’objet que nous n’apercevions pas auparavant en nous tenant à la même place.

Enfin c’est par le moyen de cette réfraction que nos yeux jouissent de la vue. Les secrets admirables de la réfraction étaient ignorés de l’antiquité, qui cependant l’avait sous les yeux, et dont on faisait usage tous les jours, sans qu’il soit resté un seul écrit qui puisse faire croire qu’on en eût deviné la raison. Ainsi encore aujourd’hui nous ignorons la cause des mouvements mêmes de notre corps et des pensées de notre âme ; mais cette ignorance est différente. Nous n’avons et nous n’aurons jamais d’instrument assez fin pour voir les premiers ressorts de nous-mêmes ; mais l’industrie humaine s’est fait de nouveaux yeux qui nous ont fait apercevoir, sur les effets de la lumière, presque tout ce qu’il est permis aux hommes d’en savoir.

Il faut se faire ici une idée nette d’une expérience très-commune (figure 4). Une pièce d’or est dans ce bassin; votre œil est placé au bord du bassin à telle distance que vous ne voyez point cette pièce.