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DEUXIÈME PARTIE. — CHAPITRE IX.

imaginent une matière dans le cristal qui ouvre de tous côtés des chemins plus faciles ; mais si ces chemins sont si faciles de tous côtés, pourquoi la lumière n’y entre-t-elle pas sans se détourner ?

Ceux-ci inventent des atmosphères ; ceux-là des tourbillons ; tous leurs systèmes croulent par quelque endroit : il faut donc, je crois, s’en tenir aux découvertes de Newton, à cette attraction visible dont ni lui, ni aucun philosophe, n’ont pu trouver la raison.

Vous savez que beaucoup de gens, autant attachés à la philosophie, ou plutôt au nom de Descartes, qu’ils l’étaient auparavant au nom d’Aristote, se sont soulevés contre l’attraction. Les uns n’ont pas voulu l’étudier, les autres l’ont méprisée, et l’ont insultée après l’avoir à peine examinée ; mais je prie le lecteur de faire les trois réflexions suivantes :

1° Qu’entendons-nous par attraction ? Rien autre chose qu’une force par laquelle un corps s’approche d’un autre, sans que l’on voie, sans que l’on connaisse aucune autre force qui le pousse.

2° Cette propriété de la matière est établie par les meilleurs philosophes en Angleterre, en Allemagne, en Hollande, et même dans plusieurs universités d’Italie, où des lois un peu rigoureuses ferment quelquefois l’accès à la vérité. Le consentement de tant de savants hommes n’est-il pas une preuve ? Sans doute ; mais c’est une raison puissante pour examiner au moins si cette force existe ou non.

3° L’on devrait songer que l’on ne connaît pas plus la cause de l’impulsion que de l’attraction. On n’y a pas même plus d’idée de l’une de ces forces que de l’autre : car il n’y a personne qui puisse concevoir pourquoi un corps a le pouvoir d’en remuer un autre de sa place. Nous ne concevons pas non plus, il est vrai, comment un corps en attire un autre, ni comment les parties de la matière gravitent mutuellement, comme il sera prouvé. Aussi ne dit-on pas que Newton se soit vanté de connaître la raison de cette attraction. Il a prouvé simplement qu’elle existe : il a vu dans la matière un phénomène constant, une propriété universelle. Si un homme trouvait un nouveau métal dans la terre, ce métal existerait-il moins parce que l’on ne connaîtrait pas les premiers principes dont il serait formé ? Que le lecteur qui jettera les yeux sur cet ouvrage ait recours à la discussion métaphysique sur l’attraction, faite par M. de Maupertuis, dans le plus petit et dans le meilleur livre qu’on ait écrit peut-être en français, en fait de philosophie : on y verra, à travers la réserve avec laquelle l’auteur s’est expliqué, ce qu’il pense et ce qu’on doit penser de cette attraction dont le nom a tant effarouché.