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DE L'ARC-EN-CIEL.

Ce sont ces rayons A B C, qu’on nomme rayons visibles, rayons efficaces de cette goutte : car chaque goutte a ses rayons visibles.

Il y a des milliers d’autres rayons rouges qui, venant sur d’autres petites surfaces de la boule, plus haut et plus bas, n’aboutissent point en R, ou qui, tombés en ces mêmes surfaces à une autre obliquité, n’aboutissent point non plus en R : ceux-là sont perdus pour vous; ils viendront à un autre œil, placé plus haut ou plus bas.

Des milliers de rayons orangés, verts, bleus, violets, sont venus, à la vérité, avec les rouges visibles sur ces surfaces ABC ; mais vous ne pourrez les recevoir. Vous en savez la raison : c’est qu’ils sont tous plus réfrangibles que les rouges ; c’est qu’en entrant tous au même point, chacun prend dans la boule un chemin différent : tous rompus davantage, ils viennent au-dessous du point R ; ils se rompent aussi plus que les rouges en sortant de la boule. Ce même pouvoir, qui les approchait plus du perpendicule de chaque surface dans l’intérieur de la boule, les en écarte donc davantage à leur retour dans l’air. Ils reviennent donc tous au-dessous de votre œil ; mais baissez la boule, vous rendez l’angle plus petit. Que cet angle soit de 40 degrés environ 17 minutes, vous ne recevez que les objets violets.

Il n’y a personne qui, sur ce principe, ne conçoive très-aisément l’artifice de l’arc-en-ciel : imaginez plusieurs rangées, plusieurs bandes de gouttes de pluie ; chaque goutte fait précisément le même effet que cette boule.

Jetez les yeux sur cet arc, et, pour éviter la confusion, ne considérez que trois rangées de gouttes de pluie, trois bandes colorées.

Il est visible que l’angle P O L (figure 35) est plus petit que l’angle V O L, et que l’angle R O L est le plus grand des trois. Ce plus grand angle des trois est donc celui des rayons primitifs rouges ; cet autre mitoyen est celui des primitifs verts ; ce plus petit P O L est celui des primitifs pourpres. Donc vous devez voir l’iris rouge dans son bord extérieur, verte dans son milieu, pourpre et violette dans sa bande intérieure. Remarquez seulement que la dernière couche violette est toujours teinte de la couleur blanchâtre de la nuée dans laquelle elle se perd.

Vous concevez donc aisément que vous ne voyez ces gouttes que sous les rayons efficaces parvenus à vos yeux après une réflexion et deux réfractions, et parvenus sous des angles déterminés. Que votre œil change de place, qu’au lieu d’être en O il