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DE LA PÉRIODE.


CHAPITRE X.
De la période de 25,920 années, causée par l’attraction. — Malentendu général dans le langage de l’astronomie. Histoire de la découverte de cette période, peu favorable à la chronologie de Newton. Explication donnée par des Grecs. Recherches sur la cause de cette période.


Si la figure de la terre est un effet de la gravitation, de l’attraction, ce principe puissant de la nature est aussi la cause de tous les mouvements de la terre dans sa course annuelle. Elle a, dans


    survenir. Les inégalités de notre globe ne sont point une suite d’un prétendu bouleversement. Le déluge ne peut être expliqué physiquement.

    « Quelques écrivains, frappés de la prodigieuse irrégularité qui paraît sur notre globe, ont cru que nous n’habitions que des ruines, et que c’est tout ce qui convient à des êtres coupables comme nous ; ces lacs issus au milieu des terres, l’Océan répandu par le détroit de Gibraltar en Europe et en Asie, tout leur paraît débris et bouleversement. Quelques philosophes plus éclairés voient au contraire un ordre admirable et nécessaire dans cette confusion apparente. Ils envisagent sur le sommet des montagnes les neiges formées par les nuages, destinées à remplir les lits des rivières ; le sein des montagnes leur offre des mines ; les mers, les lacs, les rivières, fournissent les vapeurs répandues par les vents sur le globe, retombant en pluie, et amenant la fertilité : tout paraît aux uns désordre et vengeance, tout semble aux autres arrangement et bonté.

    « C’est une étrange idée, dans Burnet et dans tant d’autres auteurs, d’imaginer qu’avant le déluge la terre était une belle sphère unie sans aucune inégalité ; si cet auteur et d’autres, qui adoptent de semblables imaginations, faisaient seulement réflexion que la terre, telle qu’elle est, a encore une surface beaucoup plus unie que ceux de nos fruits qui paraissent unis et ronds, par exemple qu’une orange, ils changeraient de langage. La chose est aisée à prouver : la terre a neuf mille lieues de circonférence, et il n’y a pas une montagne haute d’une lieue et demie ; le pic de Ténériffe n’a pas trois mille pas de hauteur. Or, qu’est-ce qu’une lieue sur neuf mille ? quelle est l’orange dont les grains ne surpassent pas de beaucoup cette proportion dans leur hauteur ? Je voudrais bien savoir d’ailleurs où auraient été les réservoirs des rivières avant le déluge dans une terre parfaitement sphérique à la rigueur ! C’est bien mal connaître la nature que de lui supposer ainsi des figures si régulières : il n’y en a qu’en mathématiques.

    « On allègue en vain les changements que le déluge universel a pu faire. Il faudrait prouver qu’il les a faits. Les philosophes qui nous ont dit comment Dieu s’y était pris physiquement pour créer le monde ne sont guère plus hardis que ceux qui nous expliquent par quelle sorte de physique Dieu s’y est pris pour le noyer. L’un et l’autre est un miracle du premier ordre ; j’entends par miracle un effet qu’aucune mécanique ne peut opérer, et qu’un être infini peut seul exécuter par une volonté particulière. Le docteur Halley a démontré par des calculs très-justes que l’eau, élevée des mers et des lacs par l’action du soleil, suffit à entretenir les nuages, les rivières et les fontaines ; et on sait que les nuages ne sont autre chose que les eaux atténuées flottantes dans l’air à une très-petite distance de la terre.

    « Quand tous les nuages auraient répandu jusqu’à la dernière particule de