acteur[1]. La pièce et le jeu de Molière furent très-mal reçus. Cette pièce, imitée de l’espagnol[2], n’a jamais été rejouée depuis sa chute[3]. La réputation naissante de Molière souffrit beaucoup de cette disgrâce, et ses ennemis triomphèrent quelque temps. Don Garcie ne fut imprimé qu’après la mort de l’auteur.
Il y a grande apparence que Molière avait au moins les canevas de ces premières pièces déjà préparés, puisqu’elles se succédèrent en si peu de temps.
L’École des maris affermit pour jamais la réputation de Molière : c’est une pièce de caractère et d’intrigue. Quand il n’aurait fait que ce seul ouvrage, il eût pu passer pour un excellent auteur comique.
On a dit que l’École des maris était une copie des Adelphes de Térence ; si cela était, Molière eût plus mérité l’éloge d’avoir fait passer en France le bon goût de l’ancienne Rome que le reproche d’avoir dérobé sa pièce. Mais les Adelphes ont fourni tout au plus l’idée de l’École des maris. Il y a dans les Adelphes deux vieillards de différente humeur, qui donnent chacun une éducation différente aux enfants qu’ils élèvent ; il y a de même dans l’École des maris deux tuteurs, dont l’un est sévère et l’autre indulgent : voilà toute la ressemblance. Il n’y a presque point d’intrigue dans les Adelphes ; celle de l’École des maris est fine, intéressante, et comique. Une des femmes de la pièce de Térence, qui devrait faire le personnage le plus intéressant, ne paraît sur le théâtre que pour accoucher[4]. L’Isabelle de Molière occupe presque toujours la scène avec esprit et avec grâce, et mêle quelquefois de la bienséance, même dans les tours qu’elle joue à son tuteur. Le dénoûment des Adelphes n’a nulle vraisemblance : il n’est point dans la nature qu’un vieillard qui a été soixante ans, chagrin, sévère, et avare, devienne tout à coup gai, complaisant, et libéral. Le dénoûment de l’École des maris est le meilleur de toutes les pièces de Molière. Il est vraisemblable, naturel, tiré du fond de l’intrigue ; et, ce qui vaut bien autant, il est extrême-