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SOMMAIRES DES PIÈCES DE MOLIÈRE.

ment comique. Le style de Térence est pur, sentencieux, mais un peu froid, comme César, qui excellait en tout, le lui a reproché. Celui de Molière, dans cette pièce, est plus châtié que dans les autres. L’auteur français égale presque la pureté de la diction de Térence, et le passe de bien loin dans l’intrigue, dans le caractère, dans le dénoûment, dans la plaisanterie.


LES FÂCHEUX,


Comédie en vers et en trois actes, représentée à Vaux, devant le roi, au mois d’août ;
et à Paris, sur le théâtre du Palais-Royal, le 4 novembre de la même année 1661.


Nicolas Fouquet, dernier surintendant des finances, engagea Molière à composer cette comédie pour la fameuse fête qu’il donna au roi et à la reine mère dans sa maison de Vaux, aujourd’hui appelée Villars[1]. Molière n’eut que quinze jours pour se préparer. Il avait déjà quelques scènes détachées toutes prêtes ; il y en ajouta de nouvelles, et en composa cette comédie, qui fut, comme il le dit dans la préface, faite, apprise, et représentée en moins de quinze jours[2]. Il n’est pas vrai, comme le prétend Grimarest, auteur d’une Vie de Molière, que le roi lui eût alors fourni lui-même le caractère du chasseur. Molière n’avait point encore auprès du roi un accès assez libre : de plus, ce n’était pas ce prince qui donnait la fête, c’était Fouquet ; et il fallait ménager au roi le plaisir de la surprise.

Cette pièce fit au roi un plaisir extrême, quoique les ballets des intermèdes fussent mal inventés et mal exécutés. Paul Pellisson, homme célèbre dans les lettres, composa le prologue en vers à la louange du roi. Ce prologue fut très-applaudi de toute la cour, et plut beaucoup à Louis XIV. Mais celui qui donna la fête, et l’auteur du prologue, furent tous deux mis en prison peu de temps après ; on les voulait même arrêter au milieu de la fête : triste exemple de l’instabilité des fortunes de cour.

Les Fâcheux ne sont pas le premier ouvrage en scènes absolument détachées qu’on ait vu sur notre théâtre. Les Visionnaires de Desmarets étaient dans ce goût[3], et avaient eu un succès si

  1. Vaux-le-Vicomte avait été acquis par le maréchal de Villars, et s’appelait alors Vaux-le-Villars.
  2. En quinze jours, dit Molière dans son Avertissement.
  3. Les Visionnaires de Desmarets, joués en 1637, ne sont pas une comédie à scènes détachées.