prodigieux que tous les beaux esprits du temps de Desmarets l’appelaient l’inimitable comédie. Le goût du public s’est tellement perfectionné depuis, que cette comédie ne paraît aujourd’hui inimitable que par son extrême impertinence. Sa vieille réputation fit que les comédiens osèrent la jouer en 1719 ; mais ils ne purent jamais l’achever. Il ne faut pas craindre que les Fâcheux tombent dans le même décri. On ignorait le théâtre du temps de Desmarets ; les auteurs étaient outrés en tout, parce qu’ils ne connaissaient point la nature ; ils peignaient au hasard des caractères chimériques ; le faux, le bas, le gigantesque, dominaient partout : Molière fut le premier qui fit sentir le vrai, et par conséquent le beau. Cette pièce le fit connaître plus particulièrement de la cour et du roi ; et lorsque, quelque temps après, Molière donna cette pièce à Saint-Germain[1], le roi lui ordonna d’y ajouter la scène du chasseur. On prétend que ce chasseur était le comte de Soyecourt. Molière, qui n’entendait rien au jargon de la chasse, pria le comte de Soyecourt lui-même de lui indiquer les termes dont il devait se servir.
le 26 décembre 1662.
Le théâtre de Molière, qui avait donné naissance à la bonne comédie, fut abandonné la moitié de l’année 1661, et toute l’année 1662, pour certaines farces moitié italiennes, moitié françaises, qui furent alors accréditées par le retour d’un fameux pantomime italien connu sous le nom de Scaramouche[2]. Les mêmes spectateurs qui applaudissaient sans réserve à ces farces monstrueuses se rendirent difficiles pour l’École des femmes, pièce d’un genre tout nouveau, laquelle, quoique toute en récits, est ménagée avec tant d’art que tout paraît être en action[3].
Elle fut très-suivie et très-critiquée, comme le dit la gazette de Loret :
Pièce qu’en plusieurs lieux on fronde,
Mais où pourtant va tant de monde
Que jamais sujet important
Pour le voir n’en attira tant.