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DES INSTITUTIONS PHYSIQUES.

Il faut voir maintenant si M.  Jurin se rendra à cet argument, et s’il se fera le disciple de celui qui en est l’auteur. Je crois qu’il ne lui sera pas difficile de répondre. Soient dans ce cercle les trois boules : la boule 1 choque les boules 2 sous un angle de 60 degrés ; la boule 1, avec deux de vitesse, eût parcouru en un seul temps deux fois le rayon du cercle.

Les boules 2, avec chacune 1 de vitesse, parcourent en un même temps le rayon D C et le rayon I C : donc les deux boules ne font en un même temps, dans la direction du rayon, que ce qu’eût fait la boule 1 ; il n’y a de plus que les deux forces latérales en sens contraire : excédant de forces qu’on ne peut expliquer par cette manière de les évaluer, puisqu’il existe dans les corps durs, où la loi de la conservation des forces vives n’est pas observée.

On trouve également une solution pour le cas qu’on rapporte de M.  Herman. Que la boule 1, dit-on, qui a 2 de vitesse, rencontre la masse 3, elle lui donnera 1 de vitesse, et gardera 1. Voilà donc quatre de force qui semblent naître de deux, et cette boule 1 a donné, dit-on, ce qu’elle n’avait pas.

Non, elle n’a pas donné ce qu’elle n’avait pas. Si la boule 3, avec cette unité de vitesse reçue, agit ensuite comme trois, et la boule, avec l’unité de vitesse qui lui reste, agit comme un, il faut observer que cette augmentation de force n’a lieu ici que parce que les boules ont un mouvement en sens contraire, phénomène dont l’élasticité de ces corps est la cause. On trouverait, en supposant les corps durs dans des hypothèses où il se produirait, une augmentation de force que la mesure des forces proposée par Leibnitz n’expliquerait pas ; et tous ces exemples prouvent seulement que le principe de la conservation des forces vives a lieu dans les corps élastiques[1].

Il me paraît évident que, si la force est proportionnelle au mouvement, il se perd de la force, puisqu’il se perd du mouvement. L’exemple rapporté par le grand Newton à la fin de son Optique demeure incontestable.

Donc, s’il se perd à tout moment de la force dans la nature, il faut un principe qui la renouvelle ; ce principe n’est-il pas l’attraction, quelle que puisse être la cause de l’attraction ?

RÉSUMÉ.

J’ai non-seulement fait l’analyse la plus exacte que j’ai pu de l’ouvrage le plus méthodique, le plus ingénieux et le mieux écrit

  1. Voyez les Éléments de la philosophie de Newton.